Mercredi 8 février ont eu lieu les rencontres de l’Insitu Lab, organisées par le labo Territoires Sensibles. À cette occasion, les étudiants ont pu exposer l’étendue de leurs recherches et réflexions concernant leur mémoire de fin d’études, autour d’axes et thématiques communes, soit la sensibilité du territoire. Quelles sont les richesses d’un territoire ? Comment qualifier son caractère ? Comment rencontrer un territoire par ses sens ? Le laboratoire s’est réuni dans le but de révéler et de mettre en projet l’ensemble de ces ressources qui font le caractère du territoire.
Le projet de Tristan porte sur les temps d’ennui rencontrés lors des trajets sur autoroute. Afin de les abréger, il souhaite interroger l’ensemble des formes, des matériaux et des interfaces présents dans l’habitacle de la voiture dans le but de générer de nouvelles sensations pour l’usager.
Audrey s’interroge sur l’intégration de la végétation dans les modes de vie urbains. Implanté dans le Port du Rhin, il aura pour but de favoriser le lien social entre les habitants en gardant une dimension écologique et responsable.
Le projet de Morgane porte sur la mise en place de collaborations avec des artisans d’art et la valorisation de l’artisanat d’art lors d’événement qui en font sa promotion. À travers son mémoire, elle questionne les différentes postures des artisans et les ressources propres au territoire Alsacien.
Ibrahim se consacre aux ambiances et aux atmosphères qui composent un espace architecturale. Il questionne les composants des bains ; ses origines, ses pratiques, ses rituels. Il cherche à s’imprégner du bien-être apporté par la pratique des bains. Afin de faire émerger cet espace émotionnel, Ibrahim concevra un hammam, en réfléchissant aux matériaux qui le constitueront.
Mélodie oriente sa réflexion autour du signe et de sa place dans l’espace urbain. De l’architecture aux supports publicitaires, en passant par la signalétique, elle se questionne sur la relation entre l’usager de la rue avec ces signes communicants, dont la densité est de plus en plus importante.
Le laboratoire a eu la chance de profiter d’une dizaine d’intervenants lors des Rencontres :
Sophie Keller est animatrice de territoire et co-porte le projet Start-up de territoire.
Dominique Zins, est écrivain depuis vingt ans. Il rédige des poèmes, nouvelles et pièces de théâtre. Nous avons questionné la notion d’attachement et de changement de territoire, en liant le rôle et l’impact de l’habitant.
Philippe Obliger, paysagiste, a pu échanger sur les thèmes de la végétation urbaine, et notamment à propos du terrain du Port du Rhin.
Yann Grienenberger est le directeur du Centre International d’Art Verrier de Meisenthal. Avec ses équipes, il s’engage à rapprocher design et artisanat verrier.
Bruno Acchione est un designer produit. Le matériau est pour lui bien plus qu’une enveloppe du produit.
Carole Heiligenstein, est chargée de mission à Alsace Destination Tourisme (ADT).
Philippe Riehling est designer produit, c’est au travers de projets variés et respectueux de l’environnement qu’il pratique un design qui croise relecture des savoirs-faire, circuit court et lien social.
Michaël Delattre est architecte de formation.
Gwendoline Dulat, quant à elle, est co-fondatrice de l’Atelier Editorial Ambulant, « Les Trames ordinaires », où elle expérimente sa pratique graphique avec Florent Vicente dans une méthode participative avec des personnes non initiées au graphisme.
L’espace était organisé comme un territoire, avec au sol un marquage délimitant les différentes parcelles de celui-ci. Au vu de la grande disparité des sujets qui composent notre Labo, des sujets, parfois hétérogènes, que nous souhaitions évoquer les uns les autres et d’une volonté de créer un temps d’échanges où chacun est libre de s’intéresser au sujet qui le captive; la scénographie de l’espace a été conçu, tout naturellement, en fonction de ses éléments et de façon à être modulable entre les deux principaux temps de la journée. Chaque parcelle, nommée îlot, était codifiée par un motif qui lui était propre, reprenant le principe de l’identité du laboratoire. C’est en fonction de ces ilôts et de leur thème que le programme de la journée a été élaboré. La journée s’est divisée en deux temps: Le matin, le Labo proposait un îlot collectif. La première partie des échanges a été menée sur les thèmes de l’innovation et des modes de valorisation de territoire avec Sophie Keller ainsi que Dominique Zins. Grâce à l’intervention de nos différents intervenants, nous avons pu aborder la notion de territoire, en lien avec l’usager.
Le deuxième temps de la journée s’est déroulé l’après-midi sous la forme d’îlots. Chacun de nous a pu partager, avec un intervenant ou plus, différents aspects de sa thématique sur deux heures. Les îlots permettaient de créer des espaces plus confinés, où chacun de nous pouvait se placer avec ses intervenants. Sur des temps d’une heure ou une demi-heure, les spectateurs pouvaient changer d’îlot dans l’après-midi et découvrir les autres sujets. Un temps de bilan était prévu à la fin de la journée pour que chacun fasse le constat de ses Rencontres.
Dominique Zins a permis de lancer un débat sur la notion de territoire. En ayant travaillé avec les habitants du port du Rhin, il dispose de nombreuses connaissances sur les habitants d’un territoire en pleine mutation. Résidant à Strasbourg et écrivain, il a aussi la connaissance du territoire de la ville. Chacun d’entre nous a pu échanger avec lui sur le quartier du port du Rhin et ses habitants, leur relation au signe de la ville, à l’artisanat local ou encore au sujet des bains sur ce territoire. Les échanges ont permis de montrer qu’il existait une forme de nostalgie importante pour les habitants de ce quartier. Très ancrés dans leur passé, il leur est difficile de penser à l’avenir de leur quartier et à son ouverture prochaine.
Yann Grienenberger et Philippe Riehling, les deux invités de Morgane, nous ont proposé chacun leur définition de l’artisan et de l’artisan d’art et des facilités (ou non) qu’il y a à travailler avec l’un ou l’autre. Il semble important pour les deux individus de ne pas s’enfermer dans leur culture et leur territoire mais de le valoriser, le faire travailler et le faire vivre. Il leur tient à cœur, dans l’époque dans laquelle nous sommes, de travailler et de mener des projets éco-responsables et de valoriser les individus sur ce type d’engagement.
Il ressort de ses Rencontres et des expériences menées par chacun, que le designer a tout intérêt à entamer un dialogue avec le “faiseur” (l’artisan), de se questionner bien en amont de la réalisation du projet, au niveau des matériaux, des impacts écologiques, des savoir-faire techniques… Au lieu de proposer des projets figés et fixes dès le début. L’idée de dialogue designer-artisan est récurrent et primordial dans le discours des deux hommes. Chacun enrichit l’autre aussi bien par son savoir-faire que par son regard. Bien évidemment, au cœur de ces collaborations les ressources locales, aussi bien matériels qu’humaines, sont essentielles et à prendre en considération. Lorsque l’idée d’une “route des artisans” en continue et tout au long de l’année est suggérée, afin de valoriser les artisans, leur travail et leur éventuelles collaborations, les deux hommes jugent cela trop accaparant pour les artisans mais suggèrent davantage la mise en avant de leur travail lors d’événement plus ponctuel comme le propose Accélérateur de Particules. C’est sur ces conseils que Morgane se basera pour la bonne poursuite de son projet.
Lors de l’échange en compagnie de Bruno Acchione et Michaël Delattre, mené dans un premier temps par Ibrahim, il a été question des sensations à travers les matériaux, et notamment de “ L’architecture à travers les différents sens qui nous la font percevoir “.
Nous avons discuté des différents procédés de mise en œuvre du matériaux, ainsi que des composants des ambiances et atmosphères en architecture. Durant les échanges, l’histoire que raconte un espace architecturale a été abordée par les intervenants et celle-ci serait le résultat des pensées concernant les volumes et les matériaux. Ces derniers interviennent au départ du projet, juste après le programme. Ainsi, il ne faut pas penser l’espace en fonction du matériau mais plutôt le matériau en fonction de la sensation qu’on souhaite procurer ; les sensations passent par les volumes, et le matériau vient compléter cette perception sensible de l’espace. Pour créer des ambiances, l’architecte procède à une démarche phénoménologique. A travers les références étudiées, nous avons mis en lumière l’interaction entre les matériaux et les espaces architecturaux. Enfin, nous avons discuté de la matérialité affective et sensible des matériaux ; comment impactent-ils les sens ?
Dans un second temps, l’échange s’est poursuivi avec Tristan. Il a été question des sensations vécues par le biais des matériaux dans l’habitacle des voitures. Un constat à permis de lancer une discussion entre le designer Bruno Acchione et Tristan. Les habitacles des voitures sont de plus en plus considérés comme un espace de vie dans lequel les usagers ont des actions et dans lequel ils vivent pendant leurs sessions de conduite. Les matériaux, les formes et les interfaces constituent un ensemble qui donne des indications sur l’ambiance dans laquelle le conducteur et les passagers vont s’installer. Les matériaux sont les éléments que l’on remarque visuellement et tactilement et qui nous permettent de nous faire une idée précise du lieu dans lequel on souhaite voyager. Des échanges ont donc eu lieu autour de la question de l’utilisation des matériaux dans l’habitacle de la voiture. Les expériences vécus ne sont pas seulement créer par l’emploi des matériaux mais aussi par l’aménagement intérieur des voitures. Bruno Acchione a dirigé la discussion autour d’une reconsidération possible des actions que l’on a actuellement dans la voiture. Les matériaux interviennent par la suite pour appuyer un usage ou pour répondre à un concept précis. Nous avons aussi discuté de l’apport des matériaux en temps d’interface entre produit et utilisateur comme un vecteur de communication sensoriel. Actuellement beaucoup de matériaux innovants permettent une grande flexibilité d’application et peuvent répondre aux opportunité de design créer par de nouveau scénarios, cependant ils ne sont pas une réponse à tous les usages.
Philippe Obliger, lors d’un échange avec Audrey l’après-midi, a apporté ses nombreuses connaissances en matière de botanique, de végétal et de jardin. Il a notamment pu enrichir le débat sur la place du végétal dans le milieu urbain, et principalement sur le terrain du port du Rhin. Par son passé industriel, le quartier dispose d’un sol particulièrement pollué.
Du côté de Mélodie et Gwendoline Dulat, l’échange s’est plutôt déroulé comme une interview, complété de références et de commentaires. Le public présent a également participé à l’échange grâce aux post-it laissés à disposition. Ils ont été utilisés au fil de la conversation afin de rebondir, ou de soulever certaines questions. Le temps de discussion a donc tourné dans un premier temps autour de la question d’infobésité dans l’espace public et sur comment une personne non initiée au graphisme réagit face à ces médias communicants et comment rétablir le contact entre ces médias et le public. Gwendoline, dans sa pratique a la volonté que l’usager reprenne possession de ces signes grâce à ses ateliers. En effet, le monde est saturé d’images, on peut alors se demander comment en tant que designer graphique, on ne rajoute pas une énième couche de saturation avec ses propres créations. La question de l’intérêt du spectateur pour chaque visuel ressort. Elle tient à la fois grâce à la forme du média mais aussi de l’intérêt personnel que porte le spectateur au sujet du média communicant, ses goûts personnels, sa sensibilité etc. Et c’est justement ce que Mélodie souhaite prendre en considération, c’est à dire recentrer ces signes, ces médias communicants autour de l’usager, de celui qui regarde. Elle se demande si le message est plus fort quand celui-ci est impliqué. Mais comment les impliquer ? À travers l’intervention de Cécilia Gurisik, la discussion fait ressortir le fait qu’il faut un postulat de base avant de pouvoir intervenir. Pour qui ? Pour quel message ? Quels moyens ?
En fin de journée, chacun d’entre nous a pu soumettre ses idées et les faire évoluer. Les échanges avec les intervenants ont été constructifs de par le recul qu’ils ont pu avoir sur nos projets et réflexions en tant que professionnels, et nous ont apporté une vision plus concrète et réelle. Des ouvertures possibles concernant les sujets ont été mises en lumière. Notamment grâce à Sophie qui a apporté sa connaissance en Start-up et a pu nous montrer comment pouvaient se concrétiser nos utopies.
En revanche, l’interaction avec le public, lors des échanges en îlot, aurait pu être plus présente. De plus, la manière de les faire participer aux discussions n’était peut-être pas assez encourageante. Les post-it, mis à disposition pour entretenir les conversations, n’ont pas récolté le succès escompté. Le public n’a pas su briser les “barrières” pour prendre part aux échanges activement. Enfin, l’arrivée massive des visiteurs a rendu étanche les différents petits espaces et les circulations entre îlots ont été difficiles. Cela a été cependant une journée enrichissante et formatrice pour chaque étudiant du laboratoire, mais aussi, ils l’espèrent, pour le public présent.
Les journées de rencontres In Situ Lab approchent. Notre labo se prêtera à l’exercice le mercredi 8 février prochain. Il s’agira d’un temps d’échange et de restitution sur l’avancement des mémoires de chacun. Chaque membre du labo exposera ses recherches et écrits sous forme de séminaire organisé, sous la thématique principale, celle de la valorisation des territoires.
La restitution des écrits sera ponctuée avec des temps d’échange avec des intervenants venant de différents domaines d’activités. La journée est organisée de façon à vous faire découvrir les différents sujets que chacun peut aborder dans son mémoire. Il s’agit d’un temps qui nous permettra de compléter nos recherches et de finaliser, par la suite, nos mémoires.
Les intervenants se succéderont toute la journée avec, entre autre, la présence de Sophie Keller, Dominique Zins, Bruno Acchione, Yann Grienenberger, Philippe Riehling, Carole Heiligenstein, Philippe Obliger et Michaël Delattre. Un programme sera mis à disposition pour vous informer sur le déroulement de la journée.
Rendez-vous le mercredi 8 février, de 9h à 16h30, au grand atelier du lycée Le Corbusier !
Le Gap Game est maintenant terminé !
La semaine de workshop s’est déroulée du lundi 5 au vendredi 9 décembre sur le quartier du port du Rhin. Huit projets ont été réalisés pendant la semaine avec l’aide des premières années. Chaque étudiant du labo “Territoires sensibles” a eu l’occasion de travailler sur un projet en lien avec son propre projet, tout en gardant le but premier du workshop, celui de créer un jeu. Sous forme d’ateliers, de parcours ou de découvertes, nous avons mis en avant certains aspects de ce territoire spécifique. Le workshop s’est déroulé en parallèle et sur les mêmes thématique, en Pologne et en Chine. Vous pourrez retrouver les projets de chacun dans les différentes catégories du site ainsi que sur le blog du workshop gapgame2.tumblr.com
La deuxième édition du Gap Game aura lieu du lundi 5 au vendredi 9 décembre. Il sera mené par notre labo Territoires sensibles, ainsi que deux autres étudiants du DSAA portant leurs projets sur le quartier du port du Rhin. Nous développerons nos huit ateliers tout au long de la semaine, en lien avec nos thématiques de projet. L’ensemble aura lieu sur le port du Rhin, dans la zone qui s’étend de l’arrêt de tram Aristide Briand jusqu’à Kehl en Allemagne.
De plus, le workshop se déroulera en lien avec la Pologne et la Chine. Sur la même semaine, les étudiants travailleront sur les mêmes thématiques dans les trois pays. Vous pourrez retrouver un suivi quotidien de toutes les équipes sur le lien suivant : gapgame2.tumblr.com
INTENTIONS D’ATELIERS
La matière, source d’émotions – Ibrahim Senol
Les ateliers s’articulent autour de plusieurs expérimentations plastiques et explorations de matières. Le but est de faire émerger des émotions en appréciant les textures autrement. Il y aura des manipulations de différentes matières, notamment de la terre crue, de l’eau, du bois, de la pierre, du plâtre… Des exercices kinesthésiques seront réalisés, où les participants, les yeux bandés, sont invités à se concentrer sur les sensations données par le toucher, l’odorat, l’ouïe et le goût.
Sensations augmentées – Tristan Gendre
Définir et sélectionner des paysages, des vues et des lieux particuliers dans la zone du workshop. Dans cette zone, je propose à mon équipe de découvrir des lieux qui possèdent des particularités, et qui génèrent des émotions. Le but sera de déterminer les différents éléments qui créent ces sensations et de comprendre ce qu’elles génèrent chez les personnes empruntant le circuit. Après ce recueil de données sensibles, le but sera de générer des dispositifs permettant d’augmenter les 5 sens durant le circuit.
Révéler le naturel – Audrey Laurent
Le but premier sera de penser un parcours plus ou moins sensible pour révéler les espaces verts dans la zone du port du Rhin : qu’il s’agisse d’une simple pousse verte entre deux trottoirs, d’une étendue d’herbe ou d’un parc. Il s’agit donc de mettre en lumière tout ce qui relève de la végétation et de la nature dans l’espace urbain. On s’approprie alors les espaces verts, entretenus et “artificiels” ou plus spontanés, pour les mettre en avant au regard des passants ou des visiteurs. En les révélant grâce à différents types d’installations, chacun sera interpellé et s’intéressera à ces différents lieux.
Usagers designers – Morgane Ratton
Atelier mené par des étudiants designers qui accompagnent et créaient avec le public des objets à reconsidérer, à perturber, à repenser, à transformer pour les renouveler. Cet atelier propose aux usagers de se réapproprier l’objet. De découvrir des techniques, de découvrir de la matière et de la travailler.
La rue parle – Mélodie Valverde
Mon projet s’oriente sur la question d’infobésité qu’on retrouve dans l’espace public par une surabondance des supports et des médias de communication qui font que l’usager fait de moins en moins attention à ce qui l’entoure. Pour ce gap game je souhaite trouver des moyens de susciter son attention en sollicitant ses sens afin qu’il ouvre les yeux sur ce qu’il a devant lui. Mon but est donc de rééduquer le regard des usagers sur le paysage urbain.
Territoire sensible et déplacement – Jean-denis Tridon
Expérimenter la construction de moyens de déplacement en accord avec les ressources et le territoire de l’île aux épis. Collecter le matin des notions sensibles remarquables d’une zone, comme la typologie du sol et la présence de voies de flux, de déplacement (routes, rails, canal, interstice, organique ou minéral, rocailleux, linéaire, plat,) et se saisir des éléments (pluie : toit; vent : voile; froid: paroi, taille variant selon usage/usager). Élaborer des hypothèses frugales de moyens de déplacement, de franchissement hybrides, cohérents, permissifs pour parcourir, franchir, et ressentir. Questionner le nouveau seuil de condition sensible généré par ces constructions, la nouvelle appréciation de l’espace, au travers d’éléments essentiellement convoqués, trouvés, collectés dans l’île aux épis.
Jeudi 13 octobre, école internationale du port du Rhin.
Première exploration du terrain d’expérimentation : le port du Rhin. Le secteur du port du Rhin est un quartier en pleine mutation, le réaménagement total de la zone frontalière a débuté en 2010. Nous partons donc, en labo, et à vélo, explorer ce vaste espace.
Premier arrêt à l’école internationale, rénovée entre 2012 et 2015, elle accueille aujourd’hui des enfants de la maternelle à la primaire de toutes origines, des enfants vivant aussi bien à Kehl qu’à Strasbourg. Cette école cherche à développer les capacités de l’enfant grâce à des techniques d’enseignements allemande. Les élèves reçoivent les cours dans les deux langues, les aires de jeux extérieures sont adaptées à leurs âges et leur motricité. Un petit carré de potager y est même installé.
La journée se poursuit avec l’exploration de la zone portuaire au nord de l’Ile aux épis. Nous pouvons alors constater très vite des différences entre les différents espaces de l’Ile. On distingue une zone de logements anciens et neufs, autour de l’axe qui relie Strasbourg à Kehl. Une zone qui est en construction depuis 2010, dynamisée par la future arrivée du tram de Strasbourg. Au nord de cet axe, on retrouve la zone portuaire avec tous les anciens bâtiments de la COOP qui sont aujourd’hui à l’abandon ou utilisés comme ateliers d’artistes. C’est une zone entièrement industrielle, rythmée le jour par les flux constants de camions.
Pour terminer cette exploration urbaine, nous terminons la journée par un passage par la ville de Kehl, ville frontalière au bord du Rhin. Il s’agit principalement d’un lieu de passage pour arriver en Allemagne, mais aussi d’une zone pavillonnaire très différentes du système français. Au détour d’une allée, nous tombons dans un petit parc le long d’un canal, très calme, pourtant à deux pas du centre ville et de la métropole Strasbourgeoise. Notre périple se termine par un passage sur la passerelle des deux rives, qui relient pour les piétons et vélos, l’Allemagne à la France, en passant par le jardin des deux rives. Un endroit vert, agréable et paisible, très appréciés des habitants de la métropole le dimanche.
En ce jeudi 3 novembre, nous nous retrouvons pour explorer l’île aux épis du port du Rhin en suivant un protocole un peu particulier. Par binôme, l’un ferme les yeux et l’autre est son guide voyant; l’objectif est que celui qui évolue à l’aveugle se fie à ses sens pour décrypter, imaginer son environnement, et enrichir son attention aux signes sensibles. Récit.
« Je prends par le bras mon partenaire. Après quelques pas mal assurés, je m’abandonne à mon ouïe, toucher et odorat. Mes expériences vécues sont mes seules ressources. Le corps mis à l’épreuve, je situe et identifie des éléments remarquables, et les transitions qui les relient, les opposent, les tissent.
Le traffic routier, ferroviaire, cycliste, pédestre. L’industrie, la ville, la friche. La liberté, la limite. Le signe. Le repère. Différents volumes sonores, vrombissements, moteurs, pédaliers. Le bruit de mes pas révèle la topologie du sol que je parcours. En sondant la matière qui défile, je découvre les feuilles mortes, l’usure de l’asphalte, la terre, l’herbe, la pierre, le métal. La présence d’un espace réverbérant comme un tunnel après une étendue supposément dégagée. Le vent dévoile les rues, les carrefours, les obstructions. Le niveau des sols. Les aspérités, creux, plats, dessinent la matérialité. Des duels se jouent entre l’organique et le minéral.
Je ne tiens plus que d’un doigt mon guide. Ma concentration s’efforce sur un signe sensible que je ressens, quelque chose que j’aimerai saisir. La sensation de voir des phénomènes lumineux les yeux fermés. Les phosphènes. De petits points scintillent, un disque vibrant à la fois blanc et noir apparaît dans un dégradé orange lorsque je fais face au soleil. La chaleur m’envahit, c’est lui. Et d’un pas, me voilà tiré dans une toile d’un bleu abyssal. Le froid, mes pas résonnent, je suis plongé dans un tunnel. Le disque blanc noir a laissé place à d’audacieuses lignes et de forts points brillants qui flottent un peu puis s’estompent. Comme la mémoire des sensations, de la condition toute précédente.
Une odeur peu agréable revient. Le tunnel mène à une zone sensiblement industrielle. Je réalise alors le caractère insipide et neutre de ce que j’ai éprouvé avant. Le quartier résidentiel. Quel contraste avec l’air fort, presque pur qui soufflait près des bruits de clapotis. Le Rhin sans nul doute.
Ces fortes transitions sont marquées par la différence, mais aussi la cohabitation d’éléments essentiellement opposés. Je devine la séquence dictée par des obstacles dont la volumétrie, la densité, l’intensité varient. Des scénarios prennent forme dans ma tête. Les images mentales que j’associe dressent le décor. L’enchaînement des couleurs, des intensités sont les péripéties; Je ressens les typologies d’environnements. Aujourd’hui, j’ai vécu ce territoire. En manipulant et reliant des images, sensations qui appartiennent à ma mémoire d’expérience. En interprétant les paramètres sensibles comme des signes qui le définissent. A la manière d’un générateur de narration tantôt abstraite et mystérieuse, parfois concrète, le regard autre que j’apporte fait naître sous un jour nouveau mon patrimoine sensible. La cessité est un seuil de sensibilité. Une condition à la considération. »
Contexte : territoires sensibles, questions environnementales, de bien être, de vie, de déplacement
lieu : port du Rhin, deux côtés de la frontière
Date et durée : 13 octobre 13-17h
Intervenants : école du Port du Rhin, drectrice : Madame Anne Türck
Intervention : relevés sensibles
Présentation: déambulations à vélo, échelle humaine et étroite avec l’environnement
Introduction: Pour amorcer l’appropriation de territoires, les cerner, les comprendre, nous décidons de parcourir le quartier selon les axes N/S et E/O, franchir le Rhin, de l’Ile ses Epis à la ville de Kehl en Allemagne, les lieux remarquables, pour essayer de dégager des éléments propices à notre action révélatrice du sensible.
Objectif : Nous allons prospecter des matières et matériaux, s’imprégner des ambiances (lumières, odeurs,…), caractères des différents sites du Port-du-Rhin, observer les flux, les usages, analyser la composition de l’espace et du bâti, pour dresser les cartes exhaustives des possibles, les types de population (âge, milieu…). Nous allons aussi déterminer les zones industrielles, végétales, distinguer les zones d’habitations, de passage, de travail et de “tourisme”, mais aussi repérer la présence du végétal ( beaucoup pas beaucoup selon les différentes zones ) ainsi que les différents éléments de communication et d’information de ce territoire.
Dispositifs : prises de photos, de vidéos, de son, relevés de strates pour révéler les typologies de terrains, échantillonnage de matière minérale, organique, sonore. Tracé de carte à partir des points visités, des points de confluence (axes routiers, piétons, vélos, lieux spécifiques…)
Processus / déroulement : selon les intentions et sensibilités de chacun, les relevés seront effectués d’après les médiums les plus pertinents, ex : Ibra intéressé par les matières = photos + échantillons de matières, JD prises de sons et descriptions d’ambiances et d’échelles par textes et photo, croquis….etc etc
Etapes distinctes : de l’ouest vers l’est, observations des dynamiques allemandes et comparatif avec France, de point en point définis au préalable sur une carte de visites
Matériel : appareils photo, micro, carnets de dessin, pochons pour échantillons..
Forme de la documentation : des cartographies liées aux ressources trouvées et repérées, marquées, une matériauthèque ? ambiance-o-thèque ?
Ressources : eau, végétaux, industries, habitants, travailleurs, écoles, bâtiments, différentes échelles et répartitions des espaces, heatmap des activités, des flux….
Références: Asso “Au delà des ponts”, et tout ce qui a été fait en lien avec la sensibilité, le territoire etc qu’on peut trouver, les centres socio culturels, les espaces ayant été occupés et pourquoi etc dresser un historique ?
Histoire et Avenir du territoire / ville et paysage
Territoire en chantier et restructuration de l’Ile des Epis entre Strasbourg et Kehl
cf: conférence Strasbourg/Kehl :
Cité de l’architecture & du patrimoine – Strasbourg/Kehl
www.citechaillot.fr/…rendez–vous_metropolitains/26041-premier_rendez– vous_strasbourg_kehl.html
Les rendez–vous métropolitains. jeudi 14 janvier 2016 à 19h00. Strasbourg / Kehl . Les enjeux de l’aménagement territorial et urbain des deux rives du Rhin, …
La promenade sensible m’a apporté une réflexion sur le rapport au corps. En effet, évoluer dans un espace en supprimant un sens, permet au corps de se recentrer sur soi-même. Mais, l’esprit réagit aussi aux perturbations environnantes. J’ai le souvenir d’avoir été réactif aux différents bruits qui ont accompagné ma visite. J’ai été plus attentif à ce qui se passait autour de moi. J’ai eu l’impression d’avoir des capteurs autour de ma tête qui recevaient tous les sons des alentours. Le frottement des cailloux sur lesquels je marchais, les sifflements des roues de vélos, le moteur des voitures que j’ai eu l’impression de percuter lorsqu’elles passaient à mes côtés, les vagues de l’eau qui cognaient le mur… J’ai ressenti également à travers mes paupières les lumières. Celles-ci m’ont procuré une sensation d’oppression lorsque nous étions entre les bâtiments. Je sentais la lumière s’atténuer et avais la sensation qu’un plafond était suspendu au-dessus de ma tête. Il y a eu aussi le noir, qui recouvrait mes yeux lorsque nous nous sommes arrêtés sous un pont. Puis, la lumière totale avec le soleil qui se plaquait sur mon visage. J’ai bien saisi ce contraste entre l’obscurité et la lumière. J’ai ressenti des séquences selon notre évolution dans l’espace, comme si nous changions d’ambiances. J’ai apprécié les textures des murs par le biais d’autres sens. L’effleurement des pierres me laissait imaginer la froideur de celles-ci. Lorsque j’ai appréhendé ces éléments les yeux fermés, je les ai appréciés davantage. J’ai remarqué que je n’avais pas besoin de voir ces choses car mon imagination me satisfaisait. J’ai également été séduit par les différentes sensations que les sens procurent; le toucher apporte autre chose que l’ouïe et la vue. A un moment, je me suis rendu compte que mon esprit s’évadait car je réfléchissais à d’autres choses; j’étais donc plus en confiance. J’ai aussi ressenti le vent qui, lorsque nous étions entre les immeubles, me caressait le nez mais qui, arrivé au bord de l’eau, devenait plus froid et plus constant.
Une semaine intense en terme de production vient de s’écouler. Les ateliers ont permis de produire un maximum d’échantillons. Ceux-ci ont été composés à partir de plâtre, de mortier, d’argile, mélangés avec les différentes matières que nous avons récoltées lors de la promenade sensible du premier jour. Ainsi, la matière est devenue matériau. Les textures procurent des sensations ainsi que des émotions. Elles transmettent une histoire, celle qui a été vécue lors de la balade; l’oppression, la froideur, la lumière, la douceur, la crainte…Toutes ces impressions ressenties pendant l’expérience.
La première partie de la semaine a été consacrée à l’exploration plastique à travers ces matières. Il y a eu également un moment d’expérimentation sur toile avec de l’argile. Cette matière qui, en venant se confronter sur la toile, exprime quelque chose; le souvenir du paysage, d’un son, d’un sentiment. La second partie a été réservée au dessin sur place. Un dessin du paysage, réalisé à l’aveugle. Ainsi, en supprimant un sens, les mains s’expriment avec les sons et les souvenirs du lieu. Les toiles communiquent alors une oeuvre pleine d’expressivité.