Atelier outillé – Promenades sonores

Enjeu :

Le but de mon atelier outillé est d’observer si les citadins ont conscience des sons urbains qui les entourent et de savoir lesquels ils “aiment” ou “détestent” en me centrant sur leur ressenti afin d’être au plus près de la vision des utilisateurs. J’ai ainsi conçu une promenade sonore et outillé la récolte de données.

Mon outil se compose :

-d’un topophone en liège et en caoutchouc (cône en forme de porte voix)

-d’un support écrit à trois colonnes : une pour noter les sons entendus, une pour qualifier les sons entendus et la dernière pour nommer l’émotion face à l’écoute de ces sons

-d’une carte définissant le parcours de la balade 

-d’un enregistreur

Scénario d’usage :

L’atelier outillé s’organise sous la forme d’une promenade sonore faite par groupe de deux personnes. Dans un duo chaque personne à un rôle : il y a l’auditeur, qui écoute attentivement les sons de la ville grâce au topophone, et il y a l’écrivain qui nomme et note les sons entendus sur le support écrit. Chaque groupe commence la promenade sonore grâce au chemin prédéfini sur la carte donnée au préalable. Comme prévu, l’auditeur utilise le topophone pour écouter des sons et l’écrivain les note dans la colonne de gauche du support à sa disposition. Arrivé.e.s à mi parcours, les deux personnes échangent leur rôle. A la fin de la balade, j’accompagne les promeneurs dans une classification des différents sons entendus. En premier temps, ils classent les sons selon des critères sensoriels en complétant la phrase : “le son est…”. Puis, en second temps, ils classent les sons selon des critères émotionnels en complétant la phrase : “en l’entendant, je me suis sentie…”. Cela permet donc d’à la fois qualifier directement les sons entendus, mais aussi de qualifier le ressenti des utilisateurs face aux sons. Pour bien accompagner les utilisateurs dans les différentes qualifications sonores, j’ai décidé de prédéfinir des mots, selon chaque phrase à compléter, pour éviter le mélange entre critères sensoriels et critères émotionnels qui peut se faire assez facilement. J’ai été attentive au fait de mettre à disposition autant de mots mélioratifs que péjoratifs. Les utilisateurs choisissent ensemble les mots qualificatifs et les ”punaisent” directement sur le support écrit. Enfin, l’atelier se conclut par un partage de souvenirs sonores. Chaque utilisateur choisit un des sons entendus leur rappelant un souvenir et raconte ce dernier dans l’enregistreur.

Posture de designeur

En tant que designer, mon objectif est d’observer et d’être attentive aux interactions entre les utilisateurs, tout en les guidant dans l’écoute détaillé du paysage sonore urbain. Mon rôle, au début de l’atelier, est d’accompagner les utilisateurs dans leur promenade sonore, d’observer leurs réactions aux sons de la ville, de comprendre leurs points de vue et leurs besoins. La deuxième partie de mon atelier me permet d’amorcer un dialogue sur la conscience de l’environnement sonore des citadins et leurs ressentis face à ce dernier. 

observations et remarques :

J’ai accompagné, en observateur neutre, les utilisateurs découvrir l’espace sonore urbain. Ces derniers, qui étaient habitués au “brouhaha urbain”, m’ont fait part du fait que l’atelier leur a permis de décortiquer l’espace sonore qui les entoure. 

J’ai constaté que les citadins sont peu attentifs et conscients des différents sons de la ville. En effet, leur oreille se perd facilement dans le brouhaha urbain qu’ils apprécient peu. Cependant, lorsqu’ils écoutent en détails chaque sons de la ville, les utilisateurs ne les qualifient que peu de fois avec des termes négatifs. Encore plus surprenant, il arrive plusieurs fois qu’un son soit qualifier de manière péjoratives, mais qu’il évoque des émotions positives : par exemple, le brouhaha de la foule qualifiée de “bourdonnante”, mais qui a “calmé” les utilisateurs, ou encore la sonnette d’un vélo qualifié de “stridente” mais qui a “enjoué” les utilisateurs. Ainsi, c’est en décortiquant le brouhaha urbain et en prenant le temps d’analyser chaque son entendu que les citadins y trouvent un plaisir sonore et que l’on peut positiver le son en ville.

Former des groupes de deux personnes pour la promenade a permis de créer des échanges personnels se complétant. De même, le fait de placer le topophone, à forme conique, au niveau de l’oreille a permis une forme de “lâcher prise” pour les testeurs leur permettant également de passer un moment plus amusant. La balade, pour chaque groupe, aura duré 30 à 40 minutes au lieu des 20 minutes prévues au départ. Peut-être que l’animation, les stimulis visuels et l’habitude de ne pas porter garde au paysage sonore, malgré le dispositif, nécessite un temps d’adaptation pour se concentrer davantage sur l’écoute.

Après la promenade, lorsque les personnes ont nommé les sons selon des critères sensoriels et émotionnels, ils ont été très attentifs et méticuleux quant aux choix des mots, particulièrement concernant la qualification de leurs ressentis face aux sons. Une personne a aussi été un peu frustrée que les mots soient prédéfinis (22 mots pour qualifier les sons, 22 mots pour qualifier les émotions ressentis face aux sons) et aurait aimé avoir plus de liberté. Il est alors possible, dans le cadre d’une amélioration de l’outil, laisser des étiquettes blanches pour que les testeurs puissent choisir leurs mots.

Concernant les souvenirs racontés, ils sont, pour la plupart, reliés à l’enfance ou alors à une émotion joyeuse. Au final, cette expérience prouve qu’on peut positiver l’impact du son en milieu urbain et le transcender pour en faire un objet de lien social. Il permet, en effet, dans un lieu défini qui est le milieu urbain d’éveiller le sens de l’écoute, mais aussi et surtout, de partager cette expérience entre les utilisateurs en dégageant des thématiques qui les intéressent et qui les engagent.