Partant du constat que les habitants sont très souvent méfiants et déçus des actions politiques, j’ai voulu orienté mon sujet de recherche sur les projets collectifs en ville gérés par les citoyens. Je me pose la question de comment faciliter ces actions collectives grâce à des outils de design. Ma posture en tant que designer dans ce cadre n’est pas de faire du projet, mais de porter un éclairage et un accompagnement en amont du projet. La sphère politique m’a permis d’élargir les possibilités de cette réflexion.
Pendant des millénaires, la politique a eu le rôle de chef, garant de l’intégrité d’un territoire en assumant seul les actions menées. Aujourd’hui (et dans un contexte de paix), ce rôle est totalement bouleversé, notamment par le concept de démocratie. Le pouvoir est avant tout aux citoyens, (transférés dans le cadre démocratie représentative comme c’est le cas dans la plupart des pays dans le monde), à des représentants que nous élisons. Les élus politiques locaux notamment ; bien que conscients de cet enjeu et de la demande croissante des citoyens de se voir impliquer dans les projets de leur quartier, n’ont pas toujours toutes les clés en main pour créer ce dialogue réflexif. Il existe bien des réunions : assemblées de quartier, séances de consultation ou d’information mais restent superficielles, et ne permettent pas un temps d’échange constructif et apaisé. Selon le Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF, 85% des interrogés jugent que les représentants ne se préoccupent pas d’eux, et 59 % des interrogés « sont d’accord avec l’idée qu’il faudrait que ce soient les citoyens et non un gouvernement qui décident ce qui leur semble le meilleur pour le pays ».
Ma recherche s’attache donc dans un premier à comprendre la relation pouvoirs publics et citoyens ainsi que les causes de la défiance politique. J’aborde ensuite les méthodes de participation engagées par les équipes politiques et leurs limites. On peut citer le manque d’attractivité et d’intérêts de ces réunions, même à la vie politique locale, le manque de diversité : et la logique du pansement : l’avis des habitants ayant un « poids toujours plus faible sur le processus décisionnel » pour Loïc Blondiaux, Professeur de science politique à l’université Paris I Panthéon Sorbonne, pour un podcast de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne. Je fais ensuite l’hypothèse que les projets collectifs initiés par les usagers pourraient leur « rendre » un pouvoir d’agir et une montée en compétences bénéfiques au quartier et au lien entre les habitants. J’explore alors la notion d’empowerment que Marie-Hélène Bacqué, définit (dans sa visée radicale) par un « processus sociopolitique qui articule une dynamique individuelle d’estime de soi et de développement de ses compétences avec un engagement collectif et une action sociale transformative. »
Cette montée en compétences nécessite de permettre la coopération entre politiques, techniciens et habitants. Julian Perdrigeat dans l’article : « Décréter l’implication des citoyens ne suffit pas, il faut pouvoir l’organiser », nous informe que les avantages pour les deux parties sont multiples : nouvelles idées, expertise d’usage des habitants, réduction des coûts ; tout en permettant aux citoyens de s’impliquer réellement, créant un sentiment d’accomplissement.
Je peux donc ensuite poser la question suivante :
Comment faciliter la coopération visant la montée en compétences des citoyens et agents techniciens ?
Pour cela, je me suis intéressée aux projets de design abordant l’implication citoyenne et la coopération. On peut retrouver des projets évoquant l’histoire et l’identité d’un quartier. Par exemple, Fabrique de quartier est un dispositif participatif dans la rue invitant les habitants à s’arrêter, échanger et adopter une vision réflexive de leur quartier (à travers les expériences passées, présentes et les envies pour le futur). D’autres projets encouragent l’engagement à travers des activités informelles, comme la cuisine avec Recettes.art ou Use-it, favorisant le partage culturel en collectant tips, bonnes adresses pour créer un guide de la ville pour les voyageurs.
Cette prise de recul sur son quartier peut être le point de départ pour l’activation et l’envie d’engager un projet collectif citoyen. Cela constitue une de mes premières pistes pour mon projet. Aussi, des serious game permettent aux gens de se soumettre à l’avis d’un expert, ou de se mettre à la place des décideurs politiques : comme Tout un programme, et le jeu pédagogique, Briseur 2 rêves.
L’enjeu de design va être d’outiller la médiation de l’intervenant avec les habitants, notamment, à travers l’organisation du déroulé du projet, Comme d’ailleurs, vise à le faire, le projet Tableau modulaire qui par des modules de bois, permet d’organiser, arranger les différents modules (et se les approprier en dessinant, écrivant) afin de créer un dialogue constructif entre habitants, agents technique et décideurs politiques.
Ainsi, pour mon projet en design, je souhaite permettre aux habitants d’échanger autour de l’identité, de l’histoire et de la mémoire du quartier, afin de proposer un débat réflexif préparatoire pour engager une idée de projet citoyen à mener ensemble. Dans un second temps, je serais intéressée par la participation d’un intervenant extérieur qui accompagnerait le groupe à préciser leurs intentions de projet, et apporter son expertise technique. Il permettrait un échange constructif et bienveillant, que j’imagine sous la forme du jeu. Cela peut donc prendre la forme de modules matérialisant l’organisation du projet, qu’ils puissent s’approprier, réarranger. Le tout permettrait d’obtenir une vision systémique du projet qui intègre les contraintes techniques, conseils de l’intervenant, idées et envies des habitants.
Aussi, je serai intéressée par les hypothèses de l’apprentissage à faire collectif, ou encore sur l’enjeu de la conscientisation des usagers à la coopération et de son intérêt pour initier l’action collective.
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Laetitia Peiffer