Au cours de mes recherches, j’ai formulé l’hypothèse suivante : l’utilisation d’une approche de design participatif axée sur l’expérimentation peut favoriser une remise en question de la manière dont le travail est réalisé dans le contexte scolaire. Afin de répondre à cette hypothèse, j’ai imaginé différentes pistes de projet comme explorer les effets d’une posture spécifique sur l’apprentissage et le bien-être des élèves, évaluer l’efficacité de différentes positions corporelles dans l’utilisation d’un objet spécifique, concevoir du mobilier qui permettra aux utilisateurs de s’installer dans des positions confortables tout en favorisant l’apprentissage ou le travail ou encore identifier des améliorations possibles sur le mobilier traditionnellement utilisé dans les environnements éducatifs pour le rendre plus ergonomique et adaptable aux besoins individuels.
À travers ce projet, mon objectif est de remettre en question la conception traditionnelle de l’assise en encourageant les élèves à explorer des postures alternatives, moins conventionnelles et plus confortables. Mon intention est d’accompagner les enfants dans la construction d’un environnement de travail sain où ils se sentent bien, en leur offrant la possibilité et la liberté d’expérimenter des approches habituellement non autorisées.
Le partenaire
Dans le cadre de mon projet, j’ai eu la chance de collaborer avec une classe de CM1 à l’école élémentaire Saint-Jean, située dans le quartier des Halles à Strasbourg. J’ai eu l’occasion d’intervenir dans la salle de classe d’une enseignante pour organiser des ateliers les mardis après-midi, avec une vingtaine d’élèves âgés de 9 à 10 ans.
Au cours de ces ateliers, j’ai eu l’occasion de constater la singularité de chaque enfant et j’ai remarqué que chacun avait des besoins personnels spécifiques.
Atelier outillé
Lors de notre première séance, nous avons expérimenté des postures représentées sur des cartes tout en effectuant des actions spécifiques. L’objectif était d’évaluer si ces postures étaient adaptées ou non aux différentes actions. L’atelier visait à encourager les élèves à se permettre d’essayer des choses qu’ils n’oseraient pas habituellement, à libérer leur pensée et leur créativité, tout en se détachant des contraintes imposées par l’école. Cet atelier m’a permis d’introduire ma recherche aux enfants.
Test prototypes modules
Lors de notre deuxième séance, les enfants ont testé différentes postures en manipulant le mobilier à l’aide de cartes pour créer des installations. Des modules ont ensuite été ajoutés à ces installations, leur permettant de s’y installer de manière spontanée. Nous avons ensuite pris des photos que les enfants ont commentées ultérieurement. L’objectif de cet atelier était de démontrer aux élèves qu’il était possible de transformer le mobilier qu’ils utilisent habituellement, de les encourager à essayer de nouvelles postures qui pourraient potentiellement être plus confortables, et de leur permettre de mettre des mots sur ces différentes postures ainsi que sur leur conception du confort.
Observation du quart d’heure lecture
J’ai ensuite fait le choix de me concentrer spécifiquement sur le “quart d’heure lecture”. J’ai consacré une séance à observer attentivement et analyser ce temps calme. Par la suite, j’ai décidé de porter mon attention sur l’espace créé par la table et la chaise, et d’explorer plus en détail leurs interactions lors de cette activité.
Le quart d’heure lecture en classe entière
Lors de cette séance, j’ai proposé aux élèves des modules en textile en forme de “i”, de “s” et de “u” afin qu’ils puissent les utiliser et adopter des postures qui leur conviennent pendant la lecture en classe entière. Chacun était assis sur sa chaise, en face de son livre, en train de suivre attentivement le texte. L’objectif était de leur offrir la possibilité de se les approprier et d’expérimenter différentes positions qui favorisent leur confort et leur concentration pendant cette activité.
Le quart d’heure lecture en autonomie
Dans le cadre du quart d’heure lecture, j’ai également mis à disposition des élèves des modules en forme de “i”, “s” et “u”, ainsi que des pochettes dotées d’une structure métallique. L’objectif était de leur offrir davantage de liberté et d’autonomie pendant ce temps de lecture. Les élèves étaient encouragés à s’approprier l’environnement en utilisant les pochettes pour créer des espaces intimes, des structures ou des environnements tels que des cabanes, leur permettant ainsi de lire seuls ou à plusieurs dans un espace qui leur correspondait. Une totale liberté était accordée aux enfants pour explorer et expérimenter différentes configurations, favorisant ainsi leur engagement et leur plaisir dans la lecture.
Ma posture de designer
Ma démarche, en tant que designer, repose précisément sur cette dimension expérimentale et participative, qui revêt une importance primordiale à mes yeux. Mon objectif est d’encourager les utilisateurs à s’autoriser à essayer, à explorer de nouvelles voies. En tant que designer, je me vois comme un jardinier qui cultive les idées des utilisateurs, les faisant fleurir, tout en agissant également comme un médiateur qui relie toutes les parties prenantes. Mon rôle est de stimuler la créativité de chacun et de rassembler leurs idées pour donner vie à un projet commun.
Mon intention est d’utiliser l’expérimentation pour sortir des sentiers battus, pour tester des choses auxquelles nous ne sommes pas habitués, même celles que l’on considère comme interdites, voire anormales. Le design devient alors un moyen d’émancipation, permettant de se libérer des contraintes qui nous ont toujours été imposées. Je souhaite utiliser l’approche participative et expérimentale du design dans le but d’améliorer les processus d’apprentissage. En remettant en question l’impact des espaces scolaires sur les élèves, je cherche à repenser l’importance de ces espaces et à les transformer en environnements propices à l’épanouissement des apprenants.
Conclusion
L’approche participative permet de prendre en compte les besoins, les idées et les perspectives de chacun, ce qui conduit à des solutions plus adaptées et pertinentes. De plus, en encourageant l’expérimentation, nous pouvons apprendre de nos expériences, ajuster nos actions et continuer à progresser de manière itérative. Cela favorise une meilleure compréhension des défis rencontrés et permet de trouver des solutions plus efficaces et satisfaisantes pour tous.
J’ai réalisé que l’expérimentation est un processus assez imprévisible, où les résultats peuvent varier considérablement en fonction des circonstances. Intervenir dans un environnement scolaire s’est avéré être une expérience gratifiante pour moi, et j’ai développé un intérêt particulier pour le public des enfants, des élèves. Leur spontanéité, leur créativité et leur capacité à imaginer des choses auxquelles je n’aurais jamais pensé sont fascinantes. Leur imprévisibilité donne naissance à des résultats extrêmement riches.
Cependant, je ressens une certaine frustration, car le projet s’est déroulé sur une période limitée. J’aurais souhaité disposer de plus de temps pour approfondir davantage ma recherche-projet et pour avoir des échanges plus fréquents avec les acteurs impliqués, tels que l’enseignante et les élèves. Cela aurait permis d’enrichir encore plus mes réflexions et de développer une compréhension plus profonde des effets de mon intervention sur leur expérience scolaire.
En conclusion, ce projet a permis de remettre en question les normes habituelles de l’assise à l’école et a offert aux élèves la liberté d’explorer des postures alternatives. Les bénéfices observés incluent une meilleure qualité de vie scolaire, une ouverture d’esprit accrue et une amélioration de l’apprentissage. Ce bilan renforce mon engagement à poursuivre mes efforts pour créer des environnements de travail plus sains et épanouissants pour les enfants.