Lors de la rédaction de mon mémoire intitulé “Creuse ton esprit”, j’ai formulé la question suivante : le design peut-il favoriser le développement de l’esprit critique chez les adolescents et leur permettre de faire face aux artefacts qui entravent leurs jugements et leurs pensées ?
Contexte
Pour compléter ma question de recherche, j’ai organisé un atelier outillé qui a orienté mes recherches et conforté mon hypothèse de base : les adolescents ne sont pas conscients de l’influence que peuvent avoir les informations auxquelles ils sont exposés. J’ai donc choisi de poursuivre mon projet de recherche dans cette direction.
Partenariat
Afin de développer mes recherches auprès d’un public adapté, j’ai d’abord envisagé de travailler en collaboration avec des médiathèques, malheureusement, je me suis rendu compte que mon public ne s’y rendait pas ou peu. J’ai alors redirigé mes recherches dans l’éducation nationale où j’ai finalement pu réaliser mes ateliers expérimentaux, dans un collège et un lycée. Mon attention s’est alors portée sur des adolescents de 13-14 ans et 16-17 ans.
Observation
Durant les prémices de mon projet, j’ai eu l’opportunité d’assister à un atelier animé par la radio MNE de Mulhouse au lycée Kléber. Ce temps était consacré au thème de « l ‘éducation aux médias », organisé dans le cadre de l’opération “Mois de l’Autre”. Cet atelier de 5h comprend l’introduction aux médias ainsi que l’enregistrement d’une émission de radio réalisé par les élèves à la suite de micro interview. Lors de cet atelier pédagogique, j’ai pu remarquer l’utilisation de cartes postales comme support de discussion. Cela m’a permis de prendre conscience qu’il est important d’amener un support matériel pour amorcer une conversation théorique et pour mettre en confiance les adolescents pour instaurer une dynamique de prise de parole. De plus, cet atelier m’a paru pertinent pour mes recherches, car il permettait d’asseoir un apprentissage sur les médias et une pratique des outils utilisés par les médias de la radio. Les élèves étaient très curieux et investis lors de la phase d’atelier.
Recherche projet
C’est ainsi que j’ai commencé à réfléchir à la manière de stimuler la pensée critique des adolescents face à l’information massive qu’ils reçoivent. Mon intention était de faire prendre conscience aux adolescents de l’influence qu’ont les médias dans leurs prises de décision au quotidien. J’ai commencé par émettre une hypothèse : le design peut sensibiliser les adolescents à l’influence des médias par la création d’ateliers de manipulation journalistique afin de leur permettre de prendre du recul sur les informations qu’ils reçoivent et devenir inébranlables lorsqu’ils y sont confrontés.
Ainsi que cette seconde hypothèse : Le design peut contribuer à l’émancipation des adolescents grâce à la réalisation de supports d’accompagnement dans la fabrication d’informations pour comprendre son fonctionnement et développer leur regard critique.
Pour cela, je devais leur fournir des outils physiques afin qu’ils puissent construire un schéma de pensée et ainsi évaluer l’information. Cela devait permettre aux adolescents de prendre la main sur les informations et de voir qu’il n’est pas si difficile de jouer avec notre logique notamment à travers la notion de biais cognitifs. L’objectif était par ces ateliers de les interroger sur l’origine et les sources d’une information afin de faire face à la mal information et la désinformation*, conséquence de l’importante quantité d’informations notamment présente sur les réseaux sociaux.*
Pour évaluer cette hypothèse, j’ai conçu un atelier que j’ai testé auprès de deux publics différents : une classe de première et une classe de quatrième. Les résultats obtenus pour le même atelier étaient distincts.
Atelier 1 : Réalisation d’une affiche A3 type journal
Résultats
Les affiches étaient très hétéroclites du fait que je n’avais pas imposé de couleur ou de mise en page spécifique. C’est dans le contenu et l’application des consignes que j’ai remarqué un écart important selon la classe. Pour les quatrièmes, la demande était trop vague et la mise en pratique a été laborieuse. De plus, lors de la seconde phase composée d’un temps d’échanges, initialement prévu sous forme de débat, les élèves n’ont pas réussi à argumenter. Cet atelier ne leur était pas adapté. En revanche, cela s’est bien mieux déroulé avec les élèves de première du fait de leur maturité et leur connaissance notamment sur les médias, la politique…
Après ses tests, j’ai pu compléter mes outils afin de mieux diriger les informations, mais aussi de pouvoir diriger leur attention et donc de pousser leur réflexion autour de la manipulation du résonnement logique. Pour pallier les lacunes de mon premier atelier, j’ai réalisé un second scénario.
Remarque
Suite aux deux premiers tests réalisés sur le terrain, j’ai constaté que les participants ne possédaient pas les connaissances théoriques nécessaires pour comprendre les enjeux de la manipulation. Ils avaient également du mal à analyser les éléments de manipulation. J’ai donc décidé de prendre mon atelier dans l’autre sens et de commencer par l’aspect théorique, en apprenant à repérer et à reconnaître les biais cognitifs présents dans divers textes. Ensuite, je prévoyais de les réutiliser comme prévu initialement. J’ai émis une troisième hypothèse : acquérir une compréhension des biais cognitifs et savoir les reconnaître constitue une forme d’autodéfense contre l’influence que peut exercer une information. Qui se traduit par « le design peut jouer un rôle essentiel dans l’apprentissage des adolescents en illustrant des concepts de psychologie de manière accessible et vulgarisée. »
Ces trois hypothèses sont complémentaires, car il faut apprendre pour agir et agir pour comprendre. C’est pourquoi il a été nécessaire de scinder mon premier atelier en deux temps.
Ensuite, j’ai également réalisé qu’il était pertinent d’imaginer une série d’ateliers visant à développer à chaque fois une compétence précise, telle que la compréhension et l’application, chacune étant exécutée sur un support différent. Cette série d’ateliers permet d’approfondir l’utilisation des biais cognitifs et les différentes formes qu’ils peuvent prendre dans des textes, des graphiques et dans le domaine de l’audiovisuel. Chaque thème est différent, mais complémentaire ce qui permettra aux adolescents d’avoir des connaissances solides et étendues grâce à diverses représentations.
Atelier 2 : savoir démasquer les mauvais graphiques
Atelier 3 : Réalisation d’une mini vidéo
Se dérouler devrait donner l’opportunité aux adolescents de prendre plus de recul sur les informations qu’ils consultent. Malheureusement, je n’ai pas pu tester cette partie en raison de contraintes de temps liés à la fin de l’année scolaire.
Positionnement en tant que designer
Dans le cadre de ma formation, il me semble important de travailler sur un sujet qui est peu encore mis en application auprès des adolescents, malgré les initiatives telles que la mise en place de l’EMI (Éducation aux médias et à l’information) dans les programmes scolaires. Je souhaite mettre en avant l’apprentissage par l’action, à la manière de l’éducation populaire. En tant qu’étudiant en design, mon rôle est de fournir un appui visuel et matériel pour favoriser leur émancipation intellectuelle.
J’aurais aimé axer d’avantage ce projet dans le domaine de l’audiovisuel afin de permettre aux adolescents de travailler directement avec les supports utilisés dans les médias auxquels ils sont le plus en contact comme le cinéma ou encore des courtes vidéos (tik tok). Cependant, cela s’est révélé trop ambitieux compte tenu des contraintes de temps et des ressources disponibles.
Conclusion
En conclusion, il me semble que l’aspect théorique des biais cognitifs peut être présenté de manière plus concrète pour aider les élèves à repérer ces mécanismes. Les adolescents âgés de 13 à 14 ans constituent le groupe d’âge à sensibiliser. Bien qu’ils aient besoin d’un encadrement, ils sont tout à fait capables de formuler des arguments précis si on leur fournit les outils appropriés. En tant que designer, j’ai donc créé un ensemble d’éléments graphiques et techniques pour les accompagner dans leurs explorations et susciter des questionnements sur le sujet de l’information.