Abstract
Partant de l’hypothèse que nos villes ne sont pas suffisamment adaptées à la préservation et à la reproduction de la faune, j’ai orienté mon sujet de recherche sur les interactions entre les animaux et les humains, et plus particulièrement entre les animaux et les enfants en ville. Pendant des décennies, la faune a été tenue à une certaine distance des humains et de nos espaces urbains. Les concepts de vivant et d’altérité d’une part, de respect et d’empathie d’autre part, m’ont permis d’arriver à la formulation de ma problématique : comment le design peut-il repenser la sensibilisation des enfants à la faune en milieu urbain ?
Mon projet résultera d’un travail effectué autour de la perception sensorielle et de l’expérience concrète des enfants. Je produirai des outils qui pourront être directement appropriés par les enfants et utilisés sur le terrain en ville. Par exemple, ces dispositifs pourraient être appliqués dans les cours de récréation de leurs écoles et dans leurs lieux de vie du quotidien pour réaliser un suivi de la faune locale.
En ce qui concerne les méthodes de recherche, j’ai combiné l’analyse de la littérature existante et de projets, quatre entretiens semi-structurés, l’observation de deux ateliers organisés par une association de protection de la nature pour des scolaires et la réalisation d’ateliers outillés par le design auprès de six groupes d’élèves (CP et CE2).
Les entretiens menés avec les trois principaux acteurs de l’éducation à la faune (membres d’associations, enseignants et acteurs municipaux) ont été très instructifs et complémentaires. Ils ont permis de préciser mon projet sur plusieurs aspects. Premièrement l’importance pour ces différents acteurs (membres d’associations, enseignants et acteurs publics) de travailler ensemble car leur expertise et leur champ d’action se complètent ; deuxièmement l’approche extérieure sur le terrain à travers les expériences sensorielles ; troisièmement l’appropriation des outils par les enfants.
Par ailleurs, deux des interlocuteurs interrogés ont souligné l’importance d’un espace “d’échange, d’apprentissage, de réflexion”, où “l’écoute” et “le dialogue” seraient encouragés. La dimension artistique dans les outils et méthodes est revenue à plusieurs reprises lors de mes entretiens. Avec les plus jeunes, la sensibilisation se fait “à travers des histoires et des jeux”. L’objectif est de les inciter à participer et à interagir le plus possible afin qu’ils puissent “identifier, mesurer, observer de près”. La notion d’appropriation est essentielle et permet de rendre les enfants acteurs de la cohabitation humain-faune en ville. Par conséquent, mon choix de travailler avec des enfants âgés de six à onze ans a été confirmé au cours de mes entretiens et de mon processus d’observation. L’enseignante et les membres de l’association ont noté l’impact fort et rapide de ces activités de sensibilisation ; celles-ci ont rendu les enfants plus responsables et leur permettent d’influencer leurs propres parents et camarades de classe. La plupart des acteurs avec lesquels j’ai discuté m’ont parlé des préjugés que peuvent avoir certains enfants. Ceux qui ont été rarement exposés au monde du vivant, peuvent ressentir de la peur ou du dégoût. Cela fait écho à une observation que j’ai faite lors de mes ateliers. Certains m’ont dit que certaines espèces étaient “moches” et même “dégoûtantes”. Un des résultats qui ressort des entretiens est que la méconnaissance du monde vivant par les parents a un impact négatif sur les enfants qui se sont révélés être moins réceptifs aux projets sur le terrain.
Partant de l’hypothèse que les enfants vivant en ville ne prêtent pas assez attention à la faune, j’ai voulu questionner leur comportement vis-à-vis des animaux. Le premier atelier visait à identifier les animaux que les enfants ont déjà vus et ceux qu’ils n’ont jamais vus en vrai, à l’aide de boites et d’images d’animaux. Le deuxième, en écoutant des sons d’animaux présents en Alsace, a permis savoir lesquels leurs sont familiers. Enfin, le dernier, à l’aide de cartes illustrées visait à comprendre comment les enfants se comportent en compagnie des animaux présentés. Avec les enfants âgés de 6 ans, ce dernier atelier a été remplacé par une séance de dessin : j’ai posé la question “l’animal dans la ville, à quoi penses-tu ?”. En tant que designeuse en innovation sociale, j’ai initié une relation de “conscientisation” avec les enfants afin de favoriser la créativité, l’idéation et l’échange. Des connaissances sur les animaux ont été générées à la fois de manière collective et individuelle, par la parole, le son, l’image et le jeu.
Il semble que l’approche sensorielle et l’expérience concrète sur le terrain par les enfants sont particulièrement pertinentes. Se focaliser sur des espèces locales peu connues comme la foulque et/ou sur des espèces victimes de préjugées comme le ragondin sera utile. Le design a un rôle à jouer pour compléter l’éducation à la faune qui est existante mais insuffisante, en proposant de nouvelles approches.
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