Projet

Après avoir rédigé un mémoire sur les manières de créer du lien au sein des quartiers, je me suis rapprochée de la Maison Citoyenne, un tiers-lieu d’initiatives locales et solidaires situé dans le quartier de Neudorf à Strasbourg. Cet espace autogéré par les habitants permet à ces derniers de se réunir, d’organiser des événements et de faire des rencontres. Pour moi, il s’agissait du partenaire idéal pour poursuivre mes recherches sur les dynamiques locales. Porteuse de valeurs telles que la solidarité et l’entraide, la Maison Citoyenne est aussi un excellent point de repère, à la fois visuel et social, qui offre la possibilité de faire de nouvelles rencontres et de partager des moments conviviaux. Pourtant un grand nombre de personnes ne connaissent pas cet endroit, ni même le sens du mot “tiers-lieu”. J’ai donc commencé à songer à un moyen d’introduire cette expression, ce concept encore inconnu pour beaucoup. Plus encore, à un moyen de faire connaître la Maison Citoyenne et ses engagements, de répandre une pratique, mais aussi des valeurs, celles d’une communauté soudée et plus autonome. La problématique choisie a donc été : comment créer du lien au sein d’un quartier tout en diffusant des valeurs sociales et communautaires.  Je me suis appuyée sur l’hypothèse que le designer peut développer le lien dans un quartier par l’élaboration d’outil de parole et de communication interactif.

Phase 1 – Le designer peut développer le lien dans un quartier par l’élaboration d’une carte participative.

J’ai d’abord cherché à découvrir le secteur du Neudorf, à comprendre son fonctionnement, mais aussi à établir un premier contact avec les habitants et questionner leurs ressentis quant à la vie au sein du quartier. Pour cette première expérience, j’ai choisi d’utiliser la cartographie. Une variable intéressante permettant aux usagers de se repérer et de capter l’enjeu et le thème du projet. Pour ce faire j’ai peint un plan à grande échelle et, lors d’une brocante organisée par la Maison Citoyenne, j’ai interrogé les passants sur les endroits qu’ils affectionnent, ceux qu’ils évitent, les “bons plans” et les bonnes adresses. Plus d’une cinquantaine de personnes se sont prêtées au jeu, ravies de pouvoir partager leurs découvertes. Papier et crayon en main, ils ont pu annoter leurs anecdotes et autres aux endroits correspondants sur la carte. Ceux qui, au contraire, ne connaissaient pas bien les environs ont pu échanger avec les autres, prendre des photos de la carte et repartir avec de précieuses informations.

Cet atelier a très bien fonctionné. Du débat et des échanges se sont créés entre les participants. J’aurais pu suivre cette piste et développer davantage cet axe de réflexion, mais il m’a semblé plus pertinent de poursuivre mes recherches en imaginant d’autres scénarios possibles.

Phase 2 – le designer peut développer le lien dans un quartier par la mise en place d’un débat public basé sur des questionnements locaux

Le second atelier avait pour objectif d’entrer davantage dans le vif du sujet, en parlant d’investissement et d’engagement social au sein du quartier. Munie de papiers colorés, de feutres et d’une corde, je me suis installée sur le marché de Neudorf un samedi matin et ai affiché la phrase “S’engager à Neudorf pour moi c’est…” . Une invitation à discuter des différentes façons de participer à la vie locale, particulièrement dans ce quartier de Strasbourg. Ce mode de discussion et d’affichage assez informel à encourager les gens à se montrer curieux. Certains passaient discrètement pour lire quelques réponses, d’autres restaient un plus long moment et prenaient le temps d’échanger avec moi ou avec d’autres participants. Lors de mes échanges, j’ai eu l’occasion de parler du but de mon projet et donc de faire référence à la Maison Citoyenne. Un moyen de faire connaître l’association et d’encourager mes interlocuteurs à s’y intéresser.

Ce qui m’intéressait dans cette expérience était, dans un premier temps, de connaître les dynamiques locales et de comprendre la manière dont les gens s’investissent, à différentes échelles. De comprendre ce qui les pousse à adhérer aux associations et aux collectifs (passion, engagement social et politique, envie de rencontrer de nouvelles personnes…). Dans un second temps, j’ai pu me rendre compte de l’importance du “signal” dans l’espace public. Le fait de créer un élément visuel fort qui puisse attirer l’œil et rendre curieux celui qui passe devant. De même que l’emplacement joue un rôle important dans le succès de l’atelier.

Phase 3 – La Petite Citoyenne

C’est avec la conviction que la participation, la prise de conscience et les rencontres se jouent dans l’espace public que j’ai choisi de concrétiser un projet sur ce terrain. D’après les recherches de mon mémoire et les différentes phases préliminaires de mon projet, je peux affirmer que les interventions participatives sur les places publiques ou lors d’événements en extérieur sont d’excellents moyens de capter l’attention et de délivrer un message, à quelques conditions près. Il est impératif de se baser sur une approche ludique et positive, de développer un signal visuel attractif (signalétique, dispositif coloré, encombrant, sonore…) et d’expliciter le but de la démarche de manière à ce qu’il soit clair et sans équivoque (ou, au contraire, de jouer sur les mots pour nourrir davantage la curiosité des passants). Selon moi, c’est en allant directement à leur rencontre, dans les lieux qu’ils fréquentent que l’on donne l’opportunité aux citoyens de s’intéresser à une cause, à un sujet.

J’ai donc imaginé un support de discussion mobile, capable de se déplacer dans l’espace public, dans le quartier de Neudorf et de créer du débat, de la discussion autour de sujets et de valeurs propres au quartier, mais aussi à la Maison Citoyenne. Cet outil permet de multiples usages :

* Grâce à sa hauteur et son symbole visuel fort (rappelant la Maison Citoyenne) l’outil mobile est un support d’atelier comme ceux proposés dans les phases préliminaires. Il est constitué de cordes tendues permettant l’affichage, mais aussi d’une partie “rangement” où il est possible d’entreposer des outils et autre matériel nécessaire à la mise en place d’atelier.

*Comme son nom l’indique, la Petite Citoyenne, c’est une Maison Citoyenne miniature qui s’exporte, qui arpente les rues du quartier. Elle permet donc de communiquer autour de l’association, de la faire connaître et d’inviter d’autres habitants, nouveaux ou non, à y participer. Elle permet aussi de parler des prochains événements publics (concerts, expo, brocantes…)

*Étant d’une forme assez basique et facilement appropriable, La Petite Citoyenne aspire à laisser libre cours aux bénévoles de la Maison Citoyenne d’en faire l’usage qu’ils souhaitent. Ainsi, l’outil peut être déployé lors d’événements devant la Maison et peut se transformer en bar, en espace d’exposition, en billetterie, etc.

Dans ce projet, j’aime l’idée que l’usager s’approprie l’objet conçu. Des cartes, proposant différents scénarios, permettent de guider l’usager dans les fonctions qu’il peut lui donner, mais aucune limite n’est fixée. J’aurais pu, avec plus de temps, poursuivre le projet en explorant d’autres pistes et en imaginant des outils à intégrer à cette boîte roulante (de panneaux dépliants pour communiquer de différentes manières, un moyen de faciliter l’usage pour les enfants ou les personnes âgées avec une tablette plus basse, une petite table dépliante pour s’étendre dans l’espace, gagner en visibilité et en confort…).

Conclusion

Le projet conçu permet d’entrevoir la manière dont le design peut influencer le lien social, la rencontre, la curiosité et l’investissement des citoyens au sein de leur quartier. Grâce à la Petite Citoyenne qui, au fil des usages, devient un symbole de discussion, de débat et d’engagement, on offre la possibilité à chacun de s’exprimer, de partager une anecdote, un savoir, un conseil, mais aussi de diffuser et pérenniser sa parole en l’affichant ou en l’enregistrant par exemple. Il s’agit de faire circuler les propos des habitants tout en mettant en valeur des sujets actuels tels que l’économie circulaire, l’entraide, l’autonomie et bien d’autres encore.