Retour sur le 10 février 2017, une journée en immersion aux rencontres de l’Insitu Lab. J’assiste à la soutenance des mémoires du laboratoire Pédagogies et Pratiques. Ce matin, je suis donc entré dans le grand atelier, aménagé pour l’occasion en un espace hétéroclite et chaleureux. Il se compose de mobiliers de l’habitat, comme à la maison ! Je perçois différents îlots qui sont délimités par des bâches blanches à terre et des drapeaux. Également au sol, des cartes forment des nuages de références, à l’image d’une exposition. D’après les inscriptions blanches qui les accompagnent, chaque série de cartes correspond à une partie de la journée. Je m’installe sur un coussin et commence à feuilleter le dépliant de présentation.
Deux personnes se présentent comme étant Monsieur et Madame Loyal. Ainsi, ils introduisent la journée, ses règles du jeu et ses objectifs. En nous signifiant les différents espaces et leurs usages, je comprends mieux la scénographie : l’atelier des curieux pour découvrir et tester différentes productions réalisées dans le cadre d’un partenariat avec Le Vaisseau, une bibliothèque pour consulter les univers de chacun, un espace de co-prise de notes pour garder trace et ajouter des références, un pôle créatif pour donner formes aux idées et ré-interpréter celles des curieux.
Grâce à Monsieur et Madame Loyal, je découvre aussi que se trouvent parmi nous des invités, des experts de différents horizons : Delphine Issenmann, Julie Morgen, Martine Fleith, Claire Renckly, Eva Ruaut, Bruno Baechler, Christelle Le Delliou, Nicolas Rio, Béatrice Pipart, Sophie Muller, Vincent Kemlin et Audrey Wiatte. Ils interviennent tout au long de la journée, tantôt interpellés par les étudiants, tantôt en réagissant de manière spontanée aux échanges en cours.
Les étudiants à l’origine de cet évènement sont au nombre de sept. Ensemble, ils forment Les Ateliers Curieux. Leurs sujets sont tous différents les uns des autres : Antoine et l’initiation vidéoludique, Sophie et l’agriculture urbaine, Juliette et la médiation scientifique,Thomas et l’éducation sexuelle, Pauline et le tourisme sensoriel quant à Lena et Célia, elles travaillent ensemble sur la pratique musicale alternative. Au delà de cette diversité, tous sont portés par une même envie : celle d’envisager l’éducation et la médiation par le biais de la pratique et de l’expérimentation. Ainsi, ils souhaitent découvrir de nouvelles formes de pédagogies alternatives basées sur des approches ludiques et sensorielles. Chaque curieux est représenté par un objet coloré, évocateur de son univers.
Dès le début de la journée, je vois l’identité des ateliers curieux prendre vie grâce à un établi grandeur nature. À tour de rôle, chaque étudiant nous donne l’occasion d’en connaître davantage sur sa thématique, notamment en abordant la relation entre l’individu et la société. Un système mobile de projection permet à tout le public de voir en direct les références au moment où elles sont évoquées. Ce système peut aussi être utilisé comme une caméra embarquée pour déambuler dans les différents espaces. Cette première partie donne le ton de la journée.
Les échanges continuent autour de la question de l’école, l’endroit où l’homme fait ses premiers pas, grandit, et trouve sa place. Les interventions des invités sont surprenantes, et rythment la journée. Ainsi, Eva Ruaut, assise sur le canapé de la bibliothèque, prend plusieurs fois la parole, notamment pour aider les étudiants à prendre du recul et à nuancer leurs propos, illustré de ses expériences. Elle discute avec Thomas, debout à l’autre bout de la salle. En raison de cet éloignement, l’échange implique toutes les personnes du public. Assis entre les deux, j’écoute ce ping-pong verbale. Ainsi, je suis comme immergé dans la conversion.
La journée continue, les curieux prennent la parole les uns après les autres. Pauline profite notamment de la partie qui questionne la pédagogie hors les murs pour discuter avec Delphine Issenmann. C’est donc à propos du Jardin des Sciences et de son déploiement dans le territoire strasbourgeois que le discours se porte. Elles échangent autour de la médiation hors du musée et sur l’utilisation de l’espace public pour transmettre. Pendant ce temps là, je m’intéresse aux livres de la bibliothèque. C’est drôle de voir des ouvrages sur la physique quantique à côté de livres érotiques ! Cela dit, ça me fait prendre conscience de la diversité des projets.
Claire Renckly et Martine Fleith échangent avec Célia sur la place de la médiation dans les interventions de l’ADIAM, dans leurs missions de démocratisation de pratiques culturelles que sont la musique et la danse. À ce moment là, une remarque me vient à l’esprit, mais je n’ose pas interrompre le discours des étudiants. Je me rends à l’espace de co-prise de notes pour me connecter avec mon smartphone au Framapad. Sur ce fichier, toutes les discussions de la journée ont été prises en notes par des étudiants ou par le public. J’y insère ma référence.
Béatrice Pipart discute avec Sophie de l’intégration des habitants dans la préfiguration des usages du Parc Naturel Urbain. Je regarde en même temps d’un oeil curieux le pôle créatif, où des étudiants fabriquent des sortes de maquettes avec plein de choses différentes. Un enseignant m’interpelle pour qu’ensemble nous construisions, avec des matériaux comestibles, la maquette d’une piste du projet de Sophie. La fabrication m’a donné faim. Heureusement, le moment de la pause déjeuner sonne.
Ce midi, nous partageons un repas collectif, l’occasion de discuter et de faire des rencontres. J’ai notamment pris le temps de parler à des acteurs du Vaisseau à propos de la volonté de l’équipe de collaborer avec des designers. Ils m’informent que ces rencontres sont intéressantes pour comprendre la démarche que peut avoir un designer dans leur centre de vulgarisation scientifique.
L’après-midi, les dialogues reprennent de plus belle. En plus des moments d’échanges, certaines personnes du public prennent la parole spontanément. Ainsi, Vincent Kemlin intervient avec son regard de scientifique pour rebondir sur une vidéo de Juliette, un tour de magie quantique réalisé par des enfants. Lena profite quant à elle de la présence de Claire Renckly de l’ADIAM pour nourrir ses réflexions de projets concernant la danse et ses aspects pédagogiques, un univers qu’elle souhaite développer en profondeur par la suite.
Le pôle Atelier des curieux donne à voir les productions de chacun. Tout au long de la journée, le discours théorique s’articule avec les éléments de projets exposés, projetés. Cela permet de se rendre compte de l’importance du lien entre fond et forme dans un projet de design. Par exemple, pour illustrer les causes d’appréhension du média vidéoludique par les parents, Antoine s’appuie sur quelques-unes de ses productions testées au Vaisseau. Tout en parlant, il nous invite à nous rapprocher et à essayer nous-même quelques activités numériques pour mieux comprendre les notions évoquées.
Au terme de ces rencontres, je réalise la place que peut prendre le design au sein de problématiques liées à la pédagogie. Grâce à la pertinence des interventions des invités, experts de terrain, les questionnements amenés par les étudiants ont pris plus de corps. Aussi, j’ai compris qu’en matière de pédagogie, il n’est pas seulement question d’apprentissage, mais également de médiation, d’éveil à la curiosité, de pratique ludique. En fait, ce n’est pas uniquement la chose apprise qui est importante, mais bien la méthode avec laquelle on l’aborde.Enregistrer