Martial est un artiste musicien qui s’intéresse à l’objet sonore. Selon lui, celui-ci peut être caractérisé comme une entité définissable, dont l’usage, la perception, la plasticité en sont l’illustration. Ce que nous en faisons quotidiennement au niveau de son écoute, mais aussi de l’espace dans lequel nous l’écoutons, reflète notre personnalité. Imaginons un instant. Serait-il agréable d’écouter, hauts-parleurs hurlant, le dernier tube électro en vogue, lors d’une séance de relaxation? À contrario, apprécierons-nous de la même manière une musique d’ambiance, lorsqu’elle est entendue depuis un fauteuil massant ou bien d’une position de gainage? La perception, à l’échelle de l’objet sonore, est la condition, mais aussi l’attitude dans laquelle nous pouvons nous approprier le son. Grâce à l’atelier proposé par Martial, nous avons appris à “prêter l’oreille”, à se conditionner dans une posture d’écoute plus pertinente. Rassemblés dans une pièce à l’atmosphère propice à la relaxation, assis par terre, nous avons pu voyager aux travers de multiples musiques, des sentiments qu’elles dégageaient, des réactions qu’elles suscitaient. Difficile de concevoir l’idée d’écouter successivement des musiques d’inspirations cubaines puis de grands classiques de la chanson française. Encore plus difficile lorsque ces mêmes classiques, appréciés quelques minutes auparavant dans leur plus simple appareil, sont ensuite entendus dans une version remasterisée, de la balade romantique vers la pop endiablée. Et si nous étirions ces mélodies? Si nous faisions d’elles un violent vrombissement, si nous accentuons certains sons plutôt que d’autres, si nous montions le volume au maximum? Que deviendraient-elles?
Dans son ensemble, l’expérience nous a permis de comprendre le terme de culture sonore. Chaque tonalité reflète une inspiration, un univers bien à elle, potentiellement catégorisable. C’est donc ça, la culture sonore. Cependant, bien qu’une mélodie puisse s’apparenter à une culture particulière, lorsqu’elle est allongée, raccourcie, transformée dans sa tonalité, elle peut communiquer par la suite un message nouveau, par extension une culture sonore différente. Forts de notre nouveau regard sur les sons, nous avons pu étendre l’expérience vers l’extérieur, le monde réel, presque barbare, celui des bruits urbains et des cris d’enfants. Si écouter sous différents angles une musique légendaire s’avère être un exercice particulier, écouter l’environnement et son humanité l’est davantage. Grâce à Pauline – designer global qui s’intéresse aux manières d’écouter et de comprendre le son – à son travail et ses méthodes de recherches, nous avons pu saisir des techniques auditives et analytiques des plans sonores. De manière inédite, nous avons découvert et redécouvert la Presqu’île sous tous ses angles. Ses reliefs, ses textures, ses architectures, mais surtout ses sons. L’absence de son, d’ailleurs, aux premiers abords. Si nous n’y prêtions pas vraiment attention, l’endroit pourrait nous sembler terriblement silencieux. Cependant, peignant illusoirement un paysage sonore comme nous peindrions une toile, nous avons cherché à hiérarchiser les bruits alentours. La ville, tout d’abord, en arrière-plan, puis le vent un peu en avant, l’eau encore plus près, les canards, les pigeons, les ragondins, les vélos, leur cycliste, les enfants un peu plus loin. Pardi que de sons !