Armés de nos tréteaux, de nos caissons à matériel expérimental et de nos plans de travail de scientifiques nous avons finalement monté notre tant attendu laboratoire au sein du service Musique & Cinéma. Il est vrai que nous nous attendions à peut être plus occuper l’espace mais au final cet imprévu ne nous dessert absolument pas dans le fait que le laboratoire semble très épuré et simpliste au commencement avant de s’étoffer au fur et à mesure avec les productions des usagers. Nos trois expériences « Biphonie », « Sublimation » et « Interprétation » ont toutes les trois été réfléchies pour créer un requestionnement de la part de l’utilisateur vis à vis de son écoute de la musique. En effet, le laboratoire vise à changer la posture de l’usager en le faisant passer de simple spectateur à acteur. Nous avons donc tester ces démarches expérimentales sur des véritables cobayes lors de la présentation de projet aux gérants de la médiathèque Malraux. Les trois expériences se sont déroulées dans les meilleures conditions possibles et nous avons dès lors reçu beaucoup de retours positifs à leur propos. Le Labophonique (nom de notre atelier expérimental) s’est vu la source de nombreuses discussions dans le sens qu’il peut rendre le service Musique & Cinéma plus vivant par son côté ludique mais également peut aider à faire le lien avec les institutions de la Presqu’île Malraux. Comme exemple, nous pouvons donner le conservatoire et le Shadok qui peuvent participer à l’amélioration ou l’élaborations de nouvelles expériences scientifiques sonores en alliant leurs connaissances informatiques, leurs matériels de pointe, etc. Cette présentation nous a beaucoup apporté dans le sens où nous avons pu remettre notre projet en question et le faire évoluer. Pour le coup, le groupe Triolet est loin de se dissoudre, il nous reste encore beaucoup de travail pour métamorphoser notre laboratoire en véritable atelier crédible et pratique. Soyez à l’affut, d’autres articles seront postés au fur et à mesure de l’avancée du post – projet !

Construire un laboratoire d’expérimentations se révèle plus ardu que ce que nous pensions ! En effet, chaque détail est à penser, ce n’est pas une mince affaire. Voulant au départ s’axer sur une scénographie comportant trois pôles d’expérimentations indépendantes les unes des autres, nous avons finalement opté pour un seul point où plusieurs expériences auront lieu chacune à leur tour selon des horaires très précis. Dès lors, la scénographie changera quelque peu à chaque expérience de sorte à faire rendre le laboratoire d’une part dynamique et d’autre part lisible pour les usagers. Malgré quelques propositions de laboratoire mobile, nous avons fais le choix de créer un laboratoire statique car il semble plus pertinent selon nous de rester dans le lieu où l’identité musicale de la médiathèque est la plus forte, mais également pour ne pas trop polluer l’univers visuel des usagers avec un laboratoire qui serait sans cesse en mouvement. La grande aventure pour construire un laboratoire en une semaine est lancée ! Après quelques croquis d’intention, nous voilà partis au quatre coins de Strasbourg pour rassembler tout ce que nous avons besoin pour la conception d’un tel projet. Fioles scientifiques, matériaux bois, peinture, tout y passe ! L’idée est ainsi de créer un lieu finalement assez unique dans le sens où il ne sera pas exclusivement scientifique. En effet, nous voulons joué sur les caractéristiques industrielles et brutes de la médiathèque pour l’injecter de la même manière à notre scénographie. De même nous avons choisi de conserver notre couleur de groupe à savoir le bleu car il contraste énormément avec le rouge du bâtiment. Les expériences qui se dérouleront au sein de notre atelier viseront à créer une expérience d’écoute attrayante pour les usagers qui appréhenderont la musique de manière inhabituelle. La communication possède aussi un rôle important au sein de notre démarche, d’une part au travers de nos pictogrammes que nous déclinons dans chacune de nos investigations mais aussi au travers de la sensibilisation visuelle et sonore de notre atelier au travers de point stratégique interactif dans la médiathèque retranscrivant en direct, ou en tout cas certaines productions des usagers afin de provoquer un sentiment de curiosité. Petit à petit, le laboratoire est voué a évolué au rythme des expériences et des visites des usagers. L’expérience sera-t-elle une réussite ?

Notre dernière investigation a pris la forme d’une nouvelle expérience InSitu. La forme de cette expérience ? Nous interpellons les gens à venir participer à une enquête sociale. La plupart des personnes interrogées ont d’ailleurs été intriguées par ce propos tandis que d’autres ont timidement décliné cette invitation, ne savant pas vraiment sur quel pied danser avec une telle demande. Cette fois-ci, pas de pâte à modeler, ni de dessins, non ! Cette fois-ci, l’usager se trouvait attablé devant une multitude de ballons. L’intérêt de l’enquête se trouvait dans le cœur des ballons : une gamme diverse et variée de textures et de matériaux. Ainsi, chaque ballon avait sa propre identité tactile. Dès lors, l’usager avait pour mission d’associer une ou plusieurs texture aux musiques qu’il était actuellement en train d’écouter par le biais d’un casque audio. La grande majorité des cobayes ont clairement été déstabilisés par le fait de faire correspondre un rythme impalpable avec une présence bien concrète ! Fort intéressant ! Durant l’expérience, nous avons pu constater une chose assez similaire sur l’ensemble des cobayes à savoir une prise de confiance graduelle au fur et à mesure de l’écoute. En effet, au départ les utilisateurs avaient tendance à simplement effleurer du doigt les différents ballons, puis à les toucher avec plus d’insistance jusqu’à les palper au creux de leur paume. Certains ont été plus imaginatifs dans le sens où ils ont pris deux ballons de façon simultanée dans la même paume dans l’idée de combiner deux textures afin de représenter plus fidèlement ce que la musique leur faisait ressentir. Une chose que nous n’avions pas forcément imaginer au départ ! Sur les sept possibilités de textures que nous proposions, celle qui a été choisie majoritairement est un lot de ballons dégonflés mis dans un autre ballons. La texture s’est avérée assez unique, étant à la fois relativement molle mais proposant tout de même une certaine résistance dans la paume. C’est grâce à cette tierce expérience que nous sommes partis sur l’idée d’un laboratoire d’expérimentation qui se trouverait être un événement ponctuel au sein du service Musique & Cinéma à destination du public à la fois pour sensibiliser par la découverte de musiques possédées par la médiathèque mais aussi permettre une nouvelle appréhension de l’écoute en modifiant la posture de l’usager vis à vis de du son. En effet, au sein du laboratoire d’expérimentation, il devient non plus spectateur mais acteur de la musique par le biais de différentes expériences scientifiques.

Bonjour,
Nous sommes le collectif Triolet, trio de laborantins totalement déjantés ! Issus de formations distinctivement différentes, nous allions nos connaissances de design graphique, design d’espaces et design de de produits au service de la recherche expérimentale et de l’interaction sociale.
Récemment, la médiathèque Malraux, située à Strasbourg, a fait appel à l’InSitu Lab (organisation étudiante dans laquelle nous nous trouvons dans le cadre de notre diplôme supérieur) dans le but de rendre son identité musicale plus présente et attrayante. Nous avons dès lors axés notre investigation sur la problématique « Quelles expériences d’écoute dans le service Musique & Cinéma ? ». Scientifiques, branle-bas de combat !

La phase d’enquête bat son plein. C’est le moment de donner un sens à l’appellation « in situ lab ». Armés de nos questionnaires et de nos divertissements expérimentaux inspirés des jeux de société de notre enfance, nous abordons des usagers de la médiathèque Malraux. Outre le fait qu’ils nous prennent pour des fous, ils se prêtent au jeu. À la question « Quelles expériences d’écoutes de la musique dans le service musique & cinéma ? », notre premier cheminement d’investigations s’oriente vers le lieu en lui-même. En effet, l’expérience sonore commence par une appréhension de l’environnement. Dès lors, où écouteriez-vous de la musique rythmée ? Quel serait le lieu pour visionner un film ? C’est à ce moment que l’on se rend compte que l’écoute au sein de la médiathèque amène à une question sociale car seuls les gens recherchant la présence humaine se complaisent dans ce type d’expérience sonore.

Une fois les résultats de cette première enquête définis, nous nous concentrons sur l’expérience sonore comme façon de « déguster » l’écoute. Nous avons dès lors voulu tester la double action de l’usager ayant à la fois l’esprit occupé par une écoute musicale et ayant à la fois la liberté de prendre possession d’un espace défini. Honnêtement, c’est assez angoissant dans les débuts d’aborder les passants en leur donnant une consigne relativement abstraite. On a peur de déranger, d’être mal venu… Mais le design social c’est finalement arrêter d’être individualiste autant dans sa façon de penser que de travailler. Parfois intrigués, ou parfois excités, les usagers au rythme d’une gamme de sonorités radicalement différentes on réagit de façon unique à chaque fois. Certains se sont orientés vers la création d’œuvres d’art par le dessin, la sculpture, tandis que d’autres ont graduellement modifié leur posture d’assise, ou ont réagit au rythme sonore des musiques en pianotant ou détournant la pâte-à-modeler comme balle anti-stress. Surpris de cette utilisation alternative de ce matériaux, nous nous questionnons sur la relation entre le relief musical et le relief palpable et concret de la réalité. Incorporer une double activité à l’expérience sonore permet-il une autre consommation de la musique ? Une meilleur interactivité ? La tête pleine de questions, nous continuons d’explorer toute l’entité qu’incarne « l’expérience d’écoute »… Est-il possible d’écouter la musique autrement que par le casque ? Peut-on amener l’écoute collective au sein d’une médiathèque ?

Suite au prochain épisode…

Au milieu de la cohue urbaine, nous apercevons la passerelle. Au delà, d’immenses volumes occupent l’espace de toute leur prestance. Une fois engagés sur le pont de métal, le brouhaha de la ville s’éteint peu à peu pour laisser place à un lieu serein, à part. Ici, seuls quelques grondements étouffés de la circulation nous parviennent accompagnés des bruits de pas pressés des passants et de la vie animale qui règne sur le canal. L’identité industrielle qui demeure dans l’architecture du lieu contraste élégamment avec la visée culturelle de chacune des structures. Lorsque nous passons le sas de la bibliothèque, son intérieur est à la hauteur de sa façade. Impressionnant. Grandiose. L’espace d’entrée offre un panorama sur les étages supérieurs à nous en donner le vertige et malgré la population dense qui semble côtoyer ce milieu, le paysage sonore n’y est pas moins agréable et reposant. Baigné de rouge, de ciment, de verre, de blanc et de citations littéraires, la médiathèque apparaît comme un chef-d’œuvre du design contemporain. Chaque étage semble posséder son identité propre tel un ensemble de mondes empilés par strates sur de larges piliers. L’escalier de fer, telle la colonne vertébrale de la médiathèque, dessert chaque étage permettant à ses usagers de voyager aisément entre les différents univers. L’espace jeux vidéos respire la jeunesse et l’oisiveté tandis que le service Musique et Cinéma se voit beaucoup plus calme, un lieu où chaque sonorités se cachent au creux de chaque boîtier…

Les heures passent et les rencontres avec les différents partenaires du projet s’enchaînent. Quand treize heures s’affichent à nos montres, il est temps d’assister aux expériences sonores. Pour la première la designer Pauline nous a fait part de son expérience en nous incitant à la perception du paysage sonore présent tout autour de nous ainsi que les trajectoires du son lorsque celui-ci évolue dans un espace. Entendre le son ricocher entre plusieurs volumes est une expérience assez déstabilisante. Vraiment. Celles où nous testions le micro binaural l’est encore plus. Le son paraît s’émanciper des écouteurs audio comme s’il appartenait à notre avait lieu juste derrière nous. L’artiste sonore Martial a quant à lui créer un véritable laboratoire de sonorités dans lequel il expérimente l’objet sonore dans sa large définition. Nous nous sommes ainsi rendu compte que notre vécu, notre expérience, notre référentiel du sensible acquis au cours du temps déchiffrent les vibrations physiques du son en émotions diverses. Dès lors, une même musique peut paraître stressante ou apaisante selon le choix des instruments, du rythme de lecture…

Finalement, ces ateliers riches en découvertes nous ont donné les clefs afin d’appréhender au mieux notre problématique pour se lancer sans crainte sur la voie des perspectives sonores.