Matières à |(re)construire² – Valentine Perrin
Matières à |(re)construire² atteste d’un travail de recherche-action mené dans le quartier du Neuhof. Ce projet émane d’une hypothèse construite suite à des interventions préalables sur site, selon laquelle les déchets représenteraient une richesse à exploiter et à valoriser sur le territoire. Ce, afin de répondre à des enjeux urgents d’ordre environnementaux, politiques et sociaux sous-jacents par le biais du design de produits.
Je remercie Pauline Burnel et Pascaline Tripard, du Conseil Départemental du Bas-Rhin, aux politiques éducatives et sportives pour la mise en relation avec les acteurs du quartier qui a facilité l’entrée sur le terrain.
Démarche de projet
Après des interventions sur site et afin d’en apprendre plus sur les caractéristiques matérielles de la substance usagée, j’ai procédé à des expérimentations, notamment autour de la fabrication et de la mise en forme de déchets à base cellulosique (papier recyclé, carton) à partir d’autres rebuts issus du quartier.
J’ai ainsi pu extraire des éléments et concevoir des outils à diffuser chez les acteurs du quartier et par le biais des réseaux sociaux comme des modes d’emploi, des fiches recette, des tutos pour valoriser le déchet lors d’interventions inclusives avec la population. La pédagogie se mêle à la médiation au travers des interventions de design. Un lien est établi avec les sciences dans la mise en forme et les protocoles d’exécution pour un aspect plus concret.
En synthèse de ce qui a été produit, un kit de fabrication de papier recyclé a été conçu en carton issu du quartier pour être distribué aux élèves du collège Solignac et plus largement aux collégiens de l’Eurométropole de Strasbourg.
Le prototype créé devrait dans une temporalité proche être distribué à quelques élèves afin de le tester et de pouvoir effectuer d’éventuelles améliorations pour une production en nombre. Des actions artistiques-pédagogiques ont été entreprises en complément des actions de design. Elles se veulent ouvrir la voie à d’autres résidences culturelles impactantes, comme celle conduite par le collectif Horizome chaque année dans la ville.
Le fait d’inclure les habitants, acteurs et élèves du collège et d’engager leur responsabilité de citoyen engagé était primordial dans la démarche puisque ce sujet les concerne et il leur tient à cœur de redonner un cadre de vie des plus agréables et enviables au quartier. J’ai ainsi fait appel à leur mobilisation lors d’ateliers de réflexion, de collecte, de transformation de matières usagées, physiquement et par le biais des réseaux sociaux afin de susciter de la demande, de tendre vers un changement d’habitudes en terme de gestion des déchets et de réactiver les échanges. Les expérimentations matérielles réalisées en collaboration avec la population, se sont vues plus marquantes et efficaces que la transmission d’informations seule.
Enjeux de projet
A travers les actes de récupération comme le réemploi et le recyclage, la matière est appréhendée comme un outil, une substance en mouvement et non pas un objet inerte. En liant la pédagogie et les sciences, un aspect concret est apporté afin de répondre à une meilleure compréhension des enjeux et participer au déclenchement d’une prise de conscience écologique individuelle et collective.
Le fait de valoriser les rebuts par des actions concrètes, réalisables par chacun, avec peu de moyens, permet de déconstruire peu à peu des connotations dépréciatives ancrées autour de ces substances rejetées, qui se sont vues liées à un profond sentiment de dégoût de la part des habitants, acteurs et élèves. Le fait de créer des systèmes de valorisation en circuit-court sur le territoire a également pour objectif d’attirer des habitants d’autres quartiers de Strasbourg, en faisant rayonner le Neuhof sur le reste du territoire. A long terme, ces actions doivent ainsi permettre de désengorger les rues de déchets, de s’ouvrir à l’installation de dispositifs de tri sélectifs, de prolonger la durée de vie des rebuts et ainsi réduire leur production.
Un des enjeux était notamment d’appuyer la politique de développement durable de la ville de Strasbourg qui a peinée à s’installer dans le quartier donnant lieu à des tensions entre certains habitants et les collectivités.
Dans ce projet, le rôle du designer est appréhendé comme passeur entre les collectivités, notamment la collectivité territoriale du Neuhof et la population concernant des enjeux contemporains de société.
Loin de répondre à une demande, le design se veut apporter des éclairages de recherche, il se positionne à un carrefour où d’autres disciplines se trouvent bloquées.
Le point de vue extérieur basé sur des actions de médiation et de pédagogie lié à des innovations permet de s’ouvrir à d’autres solutions potentielles alors inenvisagées jusqu’à présent. C’est à cet endroit que je porte la conviction que je me dois à travers ma profession, de formuler des questions et proposer des réponses originales et singulières à des enjeux de société liés à la préservation de l’environnement notamment pour tendre vers une évolution désirable et non plus destructrice.
Retrouvez l’avancée du projet depuis la première déambulation dans le quartier, sur mon blog de projet: valentineperrin.tumblr.com