Mercredi 8 février ont eu lieu les rencontres de l’Insitu Lab, organisées par le labo Territoires Sensibles. À cette occasion, les étudiants ont pu exposer l’étendue de leurs recherches et réflexions concernant leur mémoire de fin d’études, autour d’axes et thématiques communes, soit la sensibilité du territoire. Quelles sont les richesses d’un territoire ? Comment qualifier son caractère ? Comment rencontrer un territoire par ses sens ? Le laboratoire s’est réuni dans le but de révéler et de mettre en projet l’ensemble de ces ressources qui font le caractère du territoire.
Le projet de Tristan porte sur les temps d’ennui rencontrés lors des trajets sur autoroute. Afin de les abréger, il souhaite interroger l’ensemble des formes, des matériaux et des interfaces présents dans l’habitacle de la voiture dans le but de générer de nouvelles sensations pour l’usager.
Audrey s’interroge sur l’intégration de la végétation dans les modes de vie urbains. Implanté dans le Port du Rhin, il aura pour but de favoriser le lien social entre les habitants en gardant une dimension écologique et responsable.
Le projet de Morgane porte sur la mise en place de collaborations avec des artisans d’art et la valorisation de l’artisanat d’art lors d’événement qui en font sa promotion. À travers son mémoire, elle questionne les différentes postures des artisans et les ressources propres au territoire Alsacien.
Ibrahim se consacre aux ambiances et aux atmosphères qui composent un espace architecturale. Il questionne les composants des bains ; ses origines, ses pratiques, ses rituels. Il cherche à s’imprégner du bien-être apporté par la pratique des bains. Afin de faire émerger cet espace émotionnel, Ibrahim concevra un hammam, en réfléchissant aux matériaux qui le constitueront.
Mélodie oriente sa réflexion autour du signe et de sa place dans l’espace urbain. De l’architecture aux supports publicitaires, en passant par la signalétique, elle se questionne sur la relation entre l’usager de la rue avec ces signes communicants, dont la densité est de plus en plus importante.
Le laboratoire a eu la chance de profiter d’une dizaine d’intervenants lors des Rencontres :
Sophie Keller est animatrice de territoire et co-porte le projet Start-up de territoire.
Dominique Zins, est écrivain depuis vingt ans. Il rédige des poèmes, nouvelles et pièces de théâtre. Nous avons questionné la notion d’attachement et de changement de territoire, en liant le rôle et l’impact de l’habitant.
Philippe Obliger, paysagiste, a pu échanger sur les thèmes de la végétation urbaine, et notamment à propos du terrain du Port du Rhin.
Yann Grienenberger est le directeur du Centre International d’Art Verrier de Meisenthal. Avec ses équipes, il s’engage à rapprocher design et artisanat verrier.
Bruno Acchione est un designer produit. Le matériau est pour lui bien plus qu’une enveloppe du produit.
Carole Heiligenstein, est chargée de mission à Alsace Destination Tourisme (ADT).
Philippe Riehling est designer produit, c’est au travers de projets variés et respectueux de l’environnement qu’il pratique un design qui croise relecture des savoirs-faire, circuit court et lien social.
Michaël Delattre est architecte de formation.
Gwendoline Dulat, quant à elle, est co-fondatrice de l’Atelier Editorial Ambulant, « Les Trames ordinaires », où elle expérimente sa pratique graphique avec Florent Vicente dans une méthode participative avec des personnes non initiées au graphisme.
L’espace était organisé comme un territoire, avec au sol un marquage délimitant les différentes parcelles de celui-ci. Au vu de la grande disparité des sujets qui composent notre Labo, des sujets, parfois hétérogènes, que nous souhaitions évoquer les uns les autres et d’une volonté de créer un temps d’échanges où chacun est libre de s’intéresser au sujet qui le captive; la scénographie de l’espace a été conçu, tout naturellement, en fonction de ses éléments et de façon à être modulable entre les deux principaux temps de la journée. Chaque parcelle, nommée îlot, était codifiée par un motif qui lui était propre, reprenant le principe de l’identité du laboratoire. C’est en fonction de ces ilôts et de leur thème que le programme de la journée a été élaboré. La journée s’est divisée en deux temps: Le matin, le Labo proposait un îlot collectif. La première partie des échanges a été menée sur les thèmes de l’innovation et des modes de valorisation de territoire avec Sophie Keller ainsi que Dominique Zins. Grâce à l’intervention de nos différents intervenants, nous avons pu aborder la notion de territoire, en lien avec l’usager.
Le deuxième temps de la journée s’est déroulé l’après-midi sous la forme d’îlots. Chacun de nous a pu partager, avec un intervenant ou plus, différents aspects de sa thématique sur deux heures. Les îlots permettaient de créer des espaces plus confinés, où chacun de nous pouvait se placer avec ses intervenants. Sur des temps d’une heure ou une demi-heure, les spectateurs pouvaient changer d’îlot dans l’après-midi et découvrir les autres sujets. Un temps de bilan était prévu à la fin de la journée pour que chacun fasse le constat de ses Rencontres.
Dominique Zins a permis de lancer un débat sur la notion de territoire. En ayant travaillé avec les habitants du port du Rhin, il dispose de nombreuses connaissances sur les habitants d’un territoire en pleine mutation. Résidant à Strasbourg et écrivain, il a aussi la connaissance du territoire de la ville. Chacun d’entre nous a pu échanger avec lui sur le quartier du port du Rhin et ses habitants, leur relation au signe de la ville, à l’artisanat local ou encore au sujet des bains sur ce territoire. Les échanges ont permis de montrer qu’il existait une forme de nostalgie importante pour les habitants de ce quartier. Très ancrés dans leur passé, il leur est difficile de penser à l’avenir de leur quartier et à son ouverture prochaine.
Yann Grienenberger et Philippe Riehling, les deux invités de Morgane, nous ont proposé chacun leur définition de l’artisan et de l’artisan d’art et des facilités (ou non) qu’il y a à travailler avec l’un ou l’autre. Il semble important pour les deux individus de ne pas s’enfermer dans leur culture et leur territoire mais de le valoriser, le faire travailler et le faire vivre. Il leur tient à cœur, dans l’époque dans laquelle nous sommes, de travailler et de mener des projets éco-responsables et de valoriser les individus sur ce type d’engagement.
Il ressort de ses Rencontres et des expériences menées par chacun, que le designer a tout intérêt à entamer un dialogue avec le “faiseur” (l’artisan), de se questionner bien en amont de la réalisation du projet, au niveau des matériaux, des impacts écologiques, des savoir-faire techniques… Au lieu de proposer des projets figés et fixes dès le début. L’idée de dialogue designer-artisan est récurrent et primordial dans le discours des deux hommes. Chacun enrichit l’autre aussi bien par son savoir-faire que par son regard. Bien évidemment, au cœur de ces collaborations les ressources locales, aussi bien matériels qu’humaines, sont essentielles et à prendre en considération. Lorsque l’idée d’une “route des artisans” en continue et tout au long de l’année est suggérée, afin de valoriser les artisans, leur travail et leur éventuelles collaborations, les deux hommes jugent cela trop accaparant pour les artisans mais suggèrent davantage la mise en avant de leur travail lors d’événement plus ponctuel comme le propose Accélérateur de Particules. C’est sur ces conseils que Morgane se basera pour la bonne poursuite de son projet.
Lors de l’échange en compagnie de Bruno Acchione et Michaël Delattre, mené dans un premier temps par Ibrahim, il a été question des sensations à travers les matériaux, et notamment de “ L’architecture à travers les différents sens qui nous la font percevoir “.
Nous avons discuté des différents procédés de mise en œuvre du matériaux, ainsi que des composants des ambiances et atmosphères en architecture. Durant les échanges, l’histoire que raconte un espace architecturale a été abordée par les intervenants et celle-ci serait le résultat des pensées concernant les volumes et les matériaux. Ces derniers interviennent au départ du projet, juste après le programme. Ainsi, il ne faut pas penser l’espace en fonction du matériau mais plutôt le matériau en fonction de la sensation qu’on souhaite procurer ; les sensations passent par les volumes, et le matériau vient compléter cette perception sensible de l’espace. Pour créer des ambiances, l’architecte procède à une démarche phénoménologique. A travers les références étudiées, nous avons mis en lumière l’interaction entre les matériaux et les espaces architecturaux. Enfin, nous avons discuté de la matérialité affective et sensible des matériaux ; comment impactent-ils les sens ?
Dans un second temps, l’échange s’est poursuivi avec Tristan. Il a été question des sensations vécues par le biais des matériaux dans l’habitacle des voitures. Un constat à permis de lancer une discussion entre le designer Bruno Acchione et Tristan. Les habitacles des voitures sont de plus en plus considérés comme un espace de vie dans lequel les usagers ont des actions et dans lequel ils vivent pendant leurs sessions de conduite. Les matériaux, les formes et les interfaces constituent un ensemble qui donne des indications sur l’ambiance dans laquelle le conducteur et les passagers vont s’installer. Les matériaux sont les éléments que l’on remarque visuellement et tactilement et qui nous permettent de nous faire une idée précise du lieu dans lequel on souhaite voyager. Des échanges ont donc eu lieu autour de la question de l’utilisation des matériaux dans l’habitacle de la voiture. Les expériences vécus ne sont pas seulement créer par l’emploi des matériaux mais aussi par l’aménagement intérieur des voitures. Bruno Acchione a dirigé la discussion autour d’une reconsidération possible des actions que l’on a actuellement dans la voiture. Les matériaux interviennent par la suite pour appuyer un usage ou pour répondre à un concept précis. Nous avons aussi discuté de l’apport des matériaux en temps d’interface entre produit et utilisateur comme un vecteur de communication sensoriel. Actuellement beaucoup de matériaux innovants permettent une grande flexibilité d’application et peuvent répondre aux opportunité de design créer par de nouveau scénarios, cependant ils ne sont pas une réponse à tous les usages.
Philippe Obliger, lors d’un échange avec Audrey l’après-midi, a apporté ses nombreuses connaissances en matière de botanique, de végétal et de jardin. Il a notamment pu enrichir le débat sur la place du végétal dans le milieu urbain, et principalement sur le terrain du port du Rhin. Par son passé industriel, le quartier dispose d’un sol particulièrement pollué.
Du côté de Mélodie et Gwendoline Dulat, l’échange s’est plutôt déroulé comme une interview, complété de références et de commentaires. Le public présent a également participé à l’échange grâce aux post-it laissés à disposition. Ils ont été utilisés au fil de la conversation afin de rebondir, ou de soulever certaines questions. Le temps de discussion a donc tourné dans un premier temps autour de la question d’infobésité dans l’espace public et sur comment une personne non initiée au graphisme réagit face à ces médias communicants et comment rétablir le contact entre ces médias et le public. Gwendoline, dans sa pratique a la volonté que l’usager reprenne possession de ces signes grâce à ses ateliers. En effet, le monde est saturé d’images, on peut alors se demander comment en tant que designer graphique, on ne rajoute pas une énième couche de saturation avec ses propres créations. La question de l’intérêt du spectateur pour chaque visuel ressort. Elle tient à la fois grâce à la forme du média mais aussi de l’intérêt personnel que porte le spectateur au sujet du média communicant, ses goûts personnels, sa sensibilité etc. Et c’est justement ce que Mélodie souhaite prendre en considération, c’est à dire recentrer ces signes, ces médias communicants autour de l’usager, de celui qui regarde. Elle se demande si le message est plus fort quand celui-ci est impliqué. Mais comment les impliquer ? À travers l’intervention de Cécilia Gurisik, la discussion fait ressortir le fait qu’il faut un postulat de base avant de pouvoir intervenir. Pour qui ? Pour quel message ? Quels moyens ?
En fin de journée, chacun d’entre nous a pu soumettre ses idées et les faire évoluer. Les échanges avec les intervenants ont été constructifs de par le recul qu’ils ont pu avoir sur nos projets et réflexions en tant que professionnels, et nous ont apporté une vision plus concrète et réelle. Des ouvertures possibles concernant les sujets ont été mises en lumière. Notamment grâce à Sophie qui a apporté sa connaissance en Start-up et a pu nous montrer comment pouvaient se concrétiser nos utopies.
En revanche, l’interaction avec le public, lors des échanges en îlot, aurait pu être plus présente. De plus, la manière de les faire participer aux discussions n’était peut-être pas assez encourageante. Les post-it, mis à disposition pour entretenir les conversations, n’ont pas récolté le succès escompté. Le public n’a pas su briser les “barrières” pour prendre part aux échanges activement. Enfin, l’arrivée massive des visiteurs a rendu étanche les différents petits espaces et les circulations entre îlots ont été difficiles. Cela a été cependant une journée enrichissante et formatrice pour chaque étudiant du laboratoire, mais aussi, ils l’espèrent, pour le public présent.