Robert Redeker écrit dans son livre L’emprise du sport : « L’homme contemporain est placé sous transfusion sportive permanente […] Il est aussi impossible dans nos sociétés de lui échapper qu’il était impossible d’échapper à la propagande idéologique dans l’URSS stalinienne ou la Chine maoïste ». En effet, il y explique qu’aujourd’hui cette discipline est envahissante, elle est vécue comme une activité évidente, nécessaire à la vie. Il n’est que très peu questionné et échappe à toute critique. Il est pourtant le moule dans lequel notre société se forme, le « nouveau pouvoir spirituel », façonnant les âmes et les corps à un canon unique et imposé.
Mais que se passerait-il si cette discipline devenait le but, l’unique intérêt du gouvernement ? Nous nous sommes imaginé comment serait cette situation grotesque sous la forme d’un escape game.
Pour vous mettre dans l’ambiance, voici le teaser de notre escape game :
Les premiers écrits d’un scénario…
Pour la première partie, nous étions divisés en deux groupes, l’un composé de Salsabil, Léa et Thomas, et l’autre de Melvin et Mathilde. Notre objectif était d’écrire un scénario autour de la dictature du sport, s’adaptant à un escape game.
Après l’écriture des différents scénarios, nous nous sommes rassemblés pour construire une histoire unique.
Notre dictature promet la santé et la pérennisation d’une population jeune, puissante et efficace, préservant ses qualités raciales et physiques sur le long terme. Pour cela, elle s’occupe de faire la promotion et la distribution d’aliments sains, de permettre la pratique d’activités sportives simplement et à moindre coût grâce à de nombreuses structures permettant la santé mentale et physique de l’individu. Pour le gouvernement, les personnes faibles, non autonomes, ou malades sont des handicaps, des bouches à nourrir. Il existe donc un système de redressement pour ces individus.
Notre dictateur s’appelle Karl Nick et a la trentaine. Lorsqu’il était jeune, sa mère est décédée d’une crise cardiaque due à une mauvaise hygiène de vie. Plus tard, il étudie la biologie, où il développe sa pensée concernant l’humain et le droit. Par la suite, il a été champion de triathlon avant de se lancer dans la politique au sein de mouvements réactionnaires et anti-capitalistes afin de créer son parti politique, la « Force Nationale ». Cependant, le dictateur est en réalité diabétique, et a passé de nombreux séjours à l’hôpital lorsqu’il était enfant, ce qui est très compromettant pour sa réputation.
Il prend les pleins pouvoirs du gouvernement en 2025, grâce à son charisme lors des discours et des événements galvanisant la jeunesse, il gagne en notoriété. Il montre du doigt les personnes faibles et en mauvaise santé, en réponse au ras le bol de l’assistanat de ces personnes nées pendant le baby-boom et au nombre de retraités en constante augmentation. Il accède ainsi au poste de président en 2030 et instaure les pleins pouvoirs en 2033, avec pour slogan « santé, jeunesse et puissance« . Il se fait surnommer « le mentor« , et écrit un manifeste nommé « Per ardura ad astra » (à travers la difficulté vers les étoiles).
Il impose alors de nombreux rituels tels que des entraînements et exercices physiques spécifiques dès le réveil, des compétitions et tests obligatoires mensuels, la suppression de toutes manifestations festives, l’obligation du port d’une ceinture abdominale pendant le sommeil, la vérification de nourrissons à la naissance (provoquant un eugénisme), etc.
Le gouvernement a mis en place un mouvement de jeunesse, « l’élite Karléenne« , tenu par l’organisme sportif national : l’UNJF (Union National de Jeunesse Sportive). Une milice est également mise en place, la GSPI (Groupe de Surveillance de Performance Individuelle), suivant de près l’IPI (Indice de Performance Individuel) des individus.
Comme dans toute dictature, elle est composée de règles.
Les dix commandements sont donc les suivants :
- Le mentor tu adoreras, et ton état tu glorifieras.
- Une activité sportive constante tu pratiqueras.
- Te dépasser tu pourras, car un héros tu seras.
- Une alimentation saine tu respecteras.
- Tes enfants et ta famille tu entraîneras.
- Ton IPI tu augmenteras.
- À 21,75 d’IMC tu seras.
- L’uniforme Karléen tu porteras.
- Drogue, alcool, tabac et sucre tu oublieras.
- Le non-respect des règles tu signaleras.
mise en place de la dictature
Suite à la mise en place de notre univers, nous avons écrit le pitch définissant le déroulement et la situation de l’escape game.
Pour cela, nous avons répondu à certains premiers points, afin d’être au clair.
Thème : La dictature sportive.
Univers : Camp de concentration pour les individus non conforme à la dictature. Salle de contrôle des gardes du camp.
Ambiance : Ambiance sombre, salle mal éclairée, seulement par des lumières bleues.
Objectif : Transmettre une information compromettante sur le dictateur afin de le renverser.
Raison de l’enfermement : Personnes emprisonnées, car elles sont malades ou alors ne correspondent pas aux normes physiques de la dictature sportive.
Raison du temps limité : Le dictateur est en train de faire un discours à la télévision. L’objectif doit être atteint avant la fin du discours afin de divulguer l’information compromettante pendant la transmission de ce discours.
Rôle des joueurs : Arriver à pirater la diffusion du discours pour pouvoir transmettre l’information compromettante et que tout le peuple puisse se rendre compte de la réalité du dictateur.
Rôle Game Master : Prisonnier complice.
Nous sommes finalement arrivés au speech suivant :
Après avoir réussi à sortir de leur cellule, 4 prisonniers d’un camp de concentration de la dictature Force Nationale ont pour mission de trouver la salle de contrôle des gardes du camp. Dans cette salle se trouvent les dossiers de chaque prisonnier et leurs effets personnels. Un des quatre prisonniers possède une photo compromettante du dictateur Karl Nick où l’on peut le voir enfant et malade sur un lit d’hôpital. Le problème étant que cette photo se trouve dans son dossier dans la salle de contrôle. Le but de leur opération est de retrouver la photo compromettante afin de renverser cette dictature du sport. En effet, l’opération aura lieu en même temps que le discours du Mentor qui est retransmis sur tous les postes de télévision de la dictature. Les 4 prisonniers devront donc pirater la diffusion du discours afin de retransmettre la photo compromettante et dévoiler au grand jour que le dictateur a été malade et qu’il ne respecte pas l’idéologie qu’il impose à toute une population.
construction de l’escape game
Graphisme
Pour le graphisme, plusieurs recherches ont été faites au cours de l’élaboration de notre univers.
Avant tout, nous nous sommes concentrés sur la charte colorée de notre escape game en recherchant une couleur dominante impactante et visible. La veille faite au niveau de différentes salles de sport nous a permis de conclure que l’orange serait notre couleur principale. (#FF5000)
Avec cela, nous avons choisi d’y joindre une couleur bleu-marine ainsi que du blanc et du noir.
Pour la typographie, nous nous sommes d’abord concentrés sur une typographie de titrage. Nous pensions d’abord à une typographie faisant référence aux Jeux olympiques grecs. Finalement, nous avons opté pour quelque chose de plus épuré et moderne avec la Baron. Pour la typographie de labeur, nous avons pris la Glacial Indifference.
Design d’objets et ambiance
Pour la construction de notre escape game, nous avons donc repris la charte graphique. La plupart des objets utilisés ont été recouverts de vinyle orange, blanc ou noir pour rester dans le même style (les livres).
Pour le reste, nous avons rapporté des objets représentant bien la dictature comme les médailles, ou encore la coupe.
L’ambiance de la salle, elle, était tamisée d’une lumière bleue grâce à des filtres que nous avons mis sur des projecteurs.
Vidéo du discours
Le but de notre escape game est donc basé sur le fait de diffuser une information compromettante avant la fin du discours. Pour mettre en place ce discours, nous avons mis une vidéo sur un des ordinateurs de la salle.
Nous avons pu filmer un de nos confrères Maël Hervé devant un fond vert. Puis nous avons retouché le fond et mis en scène le dictateur dans un journal télévisé.
Énigmes
1re énigme:
Cette énigme est un jeu de décryptage afin de débloquer le cadenas fermant la boîte qui contient la photo compromettante. Le but du jeu est ici de comprendre le code collé sur le dos de la tasse en s’aidant des marques de café fraîchement laissées sur le plateau des agents avant leur départ. Les tasses, en positionnant leur anse au bon endroit (ici au-dessus de la partie secondaire de la tâche) vont indiquer les bons chiffres à placer sur le cadenas pour l’ouvrir. La lecture de l’énigme se fait vue de haut et de gauche à droite. Pour trouver le chiffre, il suffit de compter le nombre de traits avant d’arriver en face du triangle rouge (ici le logo mis en valeur sur le napperon) en partant du zéro (de l’anse), on trouve ainsi 5 pour le premier, 2 pour le deuxième nombre et 6 pour le dernier. Le code est donc à entrer dans le cadenas. La boîte est maintenant ouverte.
Une fois cette étape faite, les candidats détiennent non seulement l’élément à divulguer à la population, la photo compromettante, mais aussi l’élément qui leur permettra de mettre en route le hacking du discours.
2e énigme:
Cette énigme concerne donc la prochaine étape, celle de l’ouverture de l’ordinateur. Une fois les affaires personnelles et la photo récupérées, il leur faut donc trouver un code pour ouvrir une session sur l’ordinateur de contrôle du discours. Il faut donc qu’ils appellent un numéro de téléphone pour écouter l’énigme. Ce coup de fil leur permet de trouver une date qui servira au déverrouillage de l’ordinateur.
Matériel :
- Un ordinateur (celui à proximité de l’écran où est diffusé le discours du dictateur)
- Un post it avec écrit “Contacter le service informatique » collé sur un ordinateur de la salle
- Un répertoire avec le numéro de téléphone du “service informatique”
- Un téléphone
- Un calendrier où est inscrite la date du “jour noir”
Principes :
- Découvrir le post-it “Contactez le service informatique”
- Chercher dans le répertoire le numéro du service informatique
- Écouter la messagerie : “ La lutte blanche prépare une attaque place de l’Étoile, préparez-vous pour la date du jour noir. Ce jour-là, il sera temps d’en finir avec leur rébellion qui ne cesse de porter atteinte à notre intégrité”
- Chercher la date du jour noir dans le calendrier,
- entrer le code “1603” (16 mars).
Une fois l’ordinateur déverrouillé ils pourront passer à l’étape suivante: le piratage du discours.
3e énigme:
Dans cette étape, ce n’est qu’une simple manipulation et non pas une énigme à résoudre. Elle peut se faire en parallèle de l’énigme 2, qui n’est pas à faire sur le même ordinateur. Un scanner est mis à côté de l’ordinateur déjà déverrouillé. Il a précédemment été branché à celui-ci et le logiciel a été installé et ouvert. Il faut vérifier que la photo se mette directement sur le bureau. Sur le scanner, une annotation est là pour préciser au joueur sur quel bouton appuyer. Après ça, la numérisation se fait et la photo apparaît sur l’écran. Le joueur peut ensuite mettre la photo sur la clé USB et passer à la prochaine étape.
4e énigme:
Il leur faut maintenant mettre la photo numérisée dans le bon dossier de piratage du discours.
Sur la clé USB se trouve un document nommé « READ ME ». Ce document contient l’énigme permettant de savoir dans quel dossier il faut glisser la photo compromettante numérisée pour pouvoir lancer le programme de piratage du discours. Cette énigme est une formule algorithmique dont la réponse est le numéro du bon dossier.
Matériel :
- Clé USB
- Document PDF appelé « READ ME » expliquant qu’il faut déplacer la photo numérisée présente sur le bureau de l’ordinateur sur la clé USB comportant le programme du hacking. La photo doit être déplacée dans le bon dossier de la clé USB. De plus, il y aura inscrit une formule mathématique composée de différentes formes géométriques.
- Livre, avec couverture rigide, transformé en manifeste de la dictature (« Per Ardua ad astra »). Les dix premières pages du manifeste commencent par une forme géométrique suivie d’un commandement.
- Une multitude de dossiers fictifs présents sur le bureau de l’ordinateur de contrôle du discours du dictateur.
Principe :
- Il faudra compter combien de fois une forme apparaît dans le manifeste pour trouver à qu’elle valeur correspond la forme dans la formule mathématique. (Exemple : carrés = 3, triangles = 5, ronds = 12
- Il suffira ensuite de remplacer les formes par leur valeur pour pouvoir résoudre la formule mathématique
- Le résultat sera le nombre correspondant au bon dossier (Exemple 3 + 5 + 12 = 20 -> dossier 20)
Après avoir numérisé la photo compromettante du dictateur Karl Nick, il faudra utiliser la clé USB pour pouvoir déplacer la photo de l’ordinateur gérant la numérisation à l’ordinateur gérant le discours. Après avoir déplacé la photo compromettante dans le bon dossier, les joueurs devront lancer le programme de piratage afin de passer à l’énigme suivant : le piratage.
5e énigme:
La dernière mission à accomplir concerne donc le hacking et la diffusion de la photo compromettante. Lorsque les joueurs auront déplacé la photo numérisée dans le bon dossier, ils pourront brancher la clé USB sur l’ordinateur qui contrôle le discours. Bien sûr, l’ordinateur aura été verrouillé avant. Le but étant donc de trouver le mot de passe et mettre en route le hacking.
tests
1er test: conclusion
Le bêta test nous a permis de régler quelques problèmes. En effet, tout n’a pas fonctionné comme prévu et nous avons donc dû arranger et perfectionner certaines choses. Le problème principal était l’informatique. Dans notre escape, si une énigme n’est pas faite, le reste est impossible à résoudre. Et ce fut le cas dans notre premier test: beaucoup de bugs informatiques sont venus interrompre le bon déroulé de l’histoire empêchant les joueurs d’accomplir la mission: le scanner avait tendance à ne pas se lancer et le programme de hacking ne s’ouvrait pas.
Ce premier test nous a donc permis de comprendre les choses à régler et nous avons, suite à cela, pu faire d’autres tests, avec d’autres personnes.
Tests finaux
Nous avons pu le faire tester à 3 groupes différents:
- La 1re fois, tout a bien fonctionné. Les énigmes se sont bien enchaînées et les joueuses ont atteint l’objectif en un peu moins de 30 minutes.
- Le second test n’a pas été aussi fluide que le premier. Les gardes, initialement prévus, ne sont pas intervenus, et l’effet de stress escompté n’a donc pas été réalisé. De plus, ce test a été fini bien avant la fin du compteur.
- Pour le dernier, les joueurs ont été très rapides et tout s’est succédé très vite. Malgré cela, ce test a été troublé par beaucoup de problèmes informatiques qui sont venus perturber le bon déroulé du jeu.
Remise en question
Après avoir écouté les avis des joueurs qui ont testé notre escape game, nous avons tiré des conclusions. En effet, certains points ont pu être abordés après chaque test.
Pour commencer, nous pouvons parler de l’univers. L’immersion était bien faite, mais ils manquaient peut-être des éléments rappelant la dictature du sport. Tout rappelait la salle de contrôle: les ordinateurs, les claviers, ou encore les livres. Mais les joueurs avaient tendance à oublier le thème principal: le sport. Nous pourrions rajouter des objets rappelant clairement dans quel univers ils sont, afin qu’ils puissent se sentir encore plus immergés.
Au niveau des énigmes, les retours que nous avons eus nous ont appris que la première était plutôt compliquée à résoudre. Elle leur prenait généralement au moins 10 minutes. Certains ont aimé le fait qu’elle soit compliquée, mais d’autres trouvaient qu’elle prenait trop de temps. À ce titre-là, cela dépendait vraiment du tempérament des joueurs.
À ce sujet-là, nous pouvons mettre en avant le rôle du game master, qui faisait partie intégrante de l’histoire. Nous avons pu conclure que l’importance de son intervention dépendait clairement du groupe qui jouait. Certains avaient besoin de plus d’aide que d’autres. Il est donc nécessaire d’adapter son rôle en fonction de l’efficacité des participants.
Au niveau des autres énigmes, on peut dire qu’elles étaient beaucoup plus simples. Le contraste était donc très grand. On peut donc, à nouveau, remettre en question le manque d’accessoires dans la salle de contrôle. En effet, les éléments étaient faciles à trouver en raison du fait qu’il n’y avait aucun autre objet qui pouvait troubler la recherche des réponses (à part les horloges qui avaient tendance à interroger les joueurs). Les joueurs trouvaient donc facilement. La simplicité de ces énigmes pouvait donc être réglée avec l’intégration d’autres objets dans l’escape game, troublant ainsi davantage la recherche des joueurs et donc la résolution des énigmes.
Au niveau des problèmes informatiques, les différents tests nous ont permis de comprendre comment les résoudre. Il est vrai qu’il est important de prendre en compte toutes les issues possibles et trouver des solutions pour chaque difficulté afin de pouvoir venir en aide aux joueurs en cas de complication.
Pour finir, un dernier problème a pu être détecté. Il concerne notre intervention dans le jeu. En effet, dans l’escape game, les gardes essaient d’ouvrir la porte afin de pénétrer dans la salle de contrôle et coincer les joueurs. Le rôle de deux d’entre nous était donc de frapper sur la porte à plusieurs reprises. Il est vrai que certaines fois, nous n’avons pas assez mesuré l’importance de cette étape et nous ne l’avons pas fait. Si l’escape game était à refaire, nous ferions attention d’accomplir cette mission à chaque partie.