2054 – Un projet de design fictioN
2054. Les températures sont très élevées, tout le temps. L’eau vient à manquer, souvent.
Mais les modes de vie ont changé, progressivement.
Imaginez, les températures battent des records tous les mois, les flux migratoires se sont intensifiés en raison des catastrophes climatiques et l’habitabilité de la Terre est mise à rude épreuve. Imaginez maintenant, que la cathédrale de Strasbourg, désacralisée, est désormais l’épicentre d’une coopérative agricole. Imaginez, et c’est peut-être le plus fou, que les années 2050 sont une décennie paisible, où les personnes ont changé leurs habitudes et participent avec enthousiasme et volonté à la construction d’un nouveau monde.
Quelles adaptations sont nécessaires pour vivre dans ce monde ? Quelles sont ces nouvelles habitudes si réjouissantes ? Comment cultivons-nous et que mangeons-nous ?
Un projet de design fiction
Ce sont toutes les questions qui se posent et auxquelles nous tentons de répondre dans ce projet de design fiction. L’objectif du design fiction est avant tout de donner à voir un futur probable à partir des signaux faibles et des progrès techniques observés aujourd’hui. Il cherche à matérialiser ce que pourrait être le futur pour faire éclore des réflexions, des débats.
Pour cet exercice, nous nous sommes concentrées sur l’une des contraintes climatiques que prévoient les scénarii scientifiques : le manque d’eau.
Première étape : construire une utopie, rédiger une éco-fiction
Cette phase est surtout un temps de recherche. Il s’agit aussi de prendre des décisions et d’acter certaines choses (par exemple : y aura-t-il encore des voitures individuelles ?). Nous agrémentons du plus de détails possibles : quelles graines consomment peu d’eau ? Comment permettre à chacun.e de stocker de l’eau, et de cultiver quelques légumes ? Comment s’organisent les journées ? Une coopérative dans la cathédrale, d’accord, mais concrètement qu’est-ce qu’on y fait ? Ce sont donc des longs moments de documentation et d’échange qui ont leur lot de difficultés à surmonter : défendre son idée, l’expliciter pour s’assurer que dans le groupe, quand l’une dit “une grainothèque dans la cathédrale”, les deux autres envisagent la grainothèque de la même manière, etc.
Un temps long mais nécessaire pour, inconsciemment, s’imprégner du monde que nous inventons. Cela nous permet d’être imprégnées de notre utopie pour nous plonger dans l’écriture de l’éco-fiction.
Ci joint, notre récit permettant de se projeter.
Eco-fiction – Quand il n’y aura plus d’eau
Deuxième étape : concevoir et réaliser des artefacts du futur
Pour cette phase, il faut identifier précisément les nouveaux gestes, nouvelles habitudes qu’ont les personnes de 2054. Qui dit nouvelle habitude, dit nouvel objet.
Et c’est là tout l’intérêt du design fiction : créer des artefacts afin de matérialiser les gestes de demain. Il ne s’agit pas de réinventer l’eau chaude, mais plutôt de montrer ce qui reste et ce qui évolue.
Nous faisons alors le choix de concentrer notre attention sur la fabrication d’un sac de
rétrocession : il permet d’apporter certains aliments à la cathédrale et de les échanger contre d’autres (des pommes contre du jus, par exemple).
« Elle travaille dans l’aile de la cathédrale réservée à la rétrocession. Cela consiste à récupérer ce que les habitants déposent, comme une quantité de légumes, de lait, ou d’œufs et à leur échanger un quota de jus, de fromage, et même quelques graines. Les habitants ne sont plus que consommateurs, mais sont aussi acteurs. »
En partant d’un sac cabas utilisé tous les jours en 2024, nous pensions passons donc beaucoup de temps à concevoir, prototyper, essayer et bien sûr, échouer. Il faut faire évoluer notre idée au fur et à mesure (par exemple la présence de bretelles ou non, nous a beaucoup questionné).
C’est aussi l’occasion d’apprendre à s’organiser : coudre le sac, c’est clairement le plus gros dans le projet, donc on voudrait pouvoir travailler à 3 dessus ! Mais dans le faits, une seule personne suffisait la plupart du temps (principalement parce qu’une seule personne est nécessaire pour couper et coudre, mais aussi parce que si chaque micro décision est faite à 2 ou 3, on perd beaucoup de temps et d’énergie).
En parallèle de ce sac, nous fabriquons donc d’autres artefacts, par exemple un récupérateur d’eau individuel à disposer sur un balcon.
- Recherches de systèmes d’attache pour le sac
- Fabrication de la gouttière pour le capteur de brouillard
- Fabrication du pied du capteur de brouillard
- Test pour rigidifier le sac : avec du carton
- Juliette en train de coudre la doublure du sac
- Fabrication du tampon du logo Mukes
Là aussi, il faut ruser : quelle matière permet au mieux de représenter le polypropylène normalement utilisé dans un capteur de brouillard ? Quelle dimension lui donner ? Le filet d’accord, mais l’eau, comment la récupère-t-on ? Ces questions émergent à la fois dans la phase de conception, mais aussi dans celle de fabrication : une fois les matériaux en main, on se rend compte de leur éventuelle incompatibilité.
Troisième étape :
Comme cela a été expliqué précédemment, le design fiction cherche à questionner et faire émerger des temps d’échanges autour des futurs qu’il propose. Nous finissons donc ce projet par une exposition dans notre salle à destination de deux classes de notre lycée.
Lors de ce temps de médiation, nous installons les artefacts que nous avons fabriqués, mais aussi d’autres qui servent à nourrir l’imaginaire. Par exemple, nous donnons à voir à quoi ressemblerait un test de propreté de l’eau à l’aide de bocaux. Nous mettons également en scène notre grainothèque, dont nous avons fabriqué les sachets de graines, mais pas la boîte permettant les échanges.
Dans le même temps, notre éco-fiction est disponible à la lecture pour les visiteur.euses et nous sommes là aussi pour répondre à leur question. Nous mettons à disposition notre tampon Mukes pour qu’ils puissent l’essayer et repartir avec un morceau de notre utopie.
Nous profitons aussi de ce temps privilégié pour lire à voix haute un extrait de l’éco-fiction.
- Juliette explique la fabrication et l’utilisation du sac de rétrocession
- Quelques artefacts : les test de propreté d’eau et Géovélo, une application GPS exclusivement dédiée aux trajets cyclables
- Lecture de notre éco-fiction en cours…
- Le sac de rétrocession qui nous a demandé tant d’énergie et de réflexion !
- Le tampon en libre service
- L’attrape brouillard ainsi que son mode d’emploi
Projet mené par Vanessa Bernardin, Charlotte Grenier et Juliette Sandner