Après avoir observé le déroulement d’une journée 2 d’éducation thérapeutique, nous comprenons que le but de ces journées est d’apprendre un maximum au patient pour le rendre autonome dans ses soins.
Le patient est un élève dont l’intervenant spécialisé est le professeur. Malgré la participation active des patients c’est tout de même un enseignant qui apporte le savoir et des apprenants qui l’écoutent attentivement. Cette situation a parfois pour effet d’infantiliser le patient adulte. L’enseignant parle de tous les sujets même ceux pouvant être gênant, par le biais de métaphores et d’euphémismes :
“quand vous allez faire pipi”
“des personnes qui veulent se faire du mal”
Cela peut créer des sujets taboos, le suicide en l’occurrence.
Les patients sont principalement stimulés visuelement et oralement, les professionnels leur montrent ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire. Excepté durant la séance d’ergothérapie où ils sont invités à toucher et essayer, il sont physiquement impliqués.
Nous avons remarqué que les patients ne prennent pas ou très peu de notes. Ils n’ont pas d’outils de restitution alors que beaucoup de savoir est transmis. Qu’est-ce que les patients gardent de ses journées, quelles sont les interventions qui les marque?
Contrairement à notre première immersion en jour 1 d’etp, ici les patients se sont déjà rencontrés. Ils se connaissent rapidement et ont créé des liens lors de la première journée. Ils se confient avec plus de facilités que le premier groupe que nous avions observé. Ils n’hésitent pas à parler très librement de sujets qui pour nous sont gênants ou honteux. Ils acceptent aussi de dévoiler leurs faiblesses, leurs émotions et sentiments. C’est ainsi que nous découvrons la douleur psychique qu’ils éprouvent face à l’incompréhension de leur entourage envers la maladie. Ce manque d’empathie est une réelle angoisse particulièrement au travail (une honte même) mais aussi dans le cadre familial. Cette inconstance est dur à vivre, le patient est même soupçonné de « faire du cinéma ». Nous pensons à la mise en place d’outil qui permette de patient de communiquer sa maladie à son entourage et de développer une sorte d’empathie chez eux.
Pouvoir faire comme tout le monde est vraiment important pour les patients. C’est encore plus fort lors de la séance d’ergothérapie. Les patients ont du mal à accepter l’aide-technique :
“oui c’est pratique, mais bon je vais pas utiliser ça tout les jours !”
“Je peux pas le prendre au travail, comment j’explique à mon patron”
“ah oui t’as l’air un peu branlot avec ça”
L’esthétique de l’objet est finalement tout aussi importante que son utilité même. L’objet tel qu’il est ne renvoie à rien, il est neutre ou médicalisé. La pauvreté des couleurs, textures et même de formes ne permet pas à l’usager de s’identifier dans l’objet. Les sentiments et émotions associés aux objets sont très importantes pour leur bon usage. Une patiente préfère cuisiner dans les lourdes casseroles en fonte de sa grand-mère, même si elle en pleur de souffrance plutôt que de changer et d’utiliser une aide-technique, tout simplement parce qu’elle a des sentiments profonds pour cet objet.
C’est une information vitale pour nous. Dans un premier temps pouvons nous faire de la greffe sur des objets chers aux patients pour les adapter? Et enfin comment rendre un objet émotionnel pour que l’on s’identifie à lui? Il nous semble nécessaire de travailler au cas par cas dans une logique d’ultra-personnalisation. Il s’agit de trouver le juste milieu entre l’objet fonctionnel, adapté et l’objet auquel on s’attache, sur lequel on projette des émotions. C’est à partir de cela que nous pourrons construire avec lui un univers d’objets juste, qui lui parle profondément, qu’il aura plaisir à manipuler et qui seront légitimes de l’être.